Un an après la signature d’un protocole sur la sécurité entre les représentants des médecins et la Place Beauvau, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant se montre optimiste. Mais il reste prudent, en dépit des chiffres de l’Observatoire de la sécurité des médecins, dévoilés par l’Ordre mardi dernier, qui montrent que, pour la première fois depuis trois ans, les incidents recensés sont en baisse.
En dépit de l’émotion suscitée par les mésaventures de plusieurs généralistes l’année dernière, le nombre des agressions de médecins recensées par l’Ordre est finalement en légère baisse en 2011 (voir notre tableau de bord de l’insécurité). 822 agressions ont été en effet enregistrées par son Observatoire pour la sécurité des médecins dont les chiffres ont été présentés mardi, contre 920 déclarations d’agression en 2010, soit une baisse d’environ 10 % entre les deux années. La baisse est même de 15 % si l’on intègre aux déclarations de 2010 les 45 déposées hors délai, portant ainsi le chiffre à 968 cette année-là. Alors que depuis trois ans, les statistiques de l’Ordre traduisaient une recrudescence de la violence dans les cabinets, la tendance se serait-elle inversée ?
Il ne faut pas crier victoire trop vite. Le Conseil de l’Ordre des médecins (CNOM) préfère en effet rester prudent. « Les résultats de 2011 confirment les chiffres de 2010 avec une légère amorce. Il faut noter toutefois que le chiffre de cette année est bien au-dessus de la moyenne des déclarations d’incidents des dix dernières années (651), et que ce constat est à tempérer vu le déficit de dépôt de plainte qui s’accentue de manière inquiétante (-4 % par rapport à 2010)», nuance le Dr Michel Legmann, président du CNOM. « Ce léger recul est à la limite de la significativité. Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Analyser ces 10 % de baisse me paraît dangereux», prévient aussi le Dr Bernard Le Douarin, coordinateur de l’Observatoire pour la sécurité des médecins. Le ministre de l’Intérieur aussi, dans l’interview qu’il a accordée au Généraliste se montre optimiste, mais prudent.
L’Ordre explique encore cette baisse en partie par la désertification médicale de certains départements. « On vient faire ses études dans le 93, qui a cette année encore la palme de l’horreur de l’exercice, et puis dès que l’on peut on s’en va. Nous avons la certitude que l’insécurité même simplement ressentie est un déterminant pour ne pas s’installer dans ces territoires qui sont fragiles», explique le Dr André Deseur, membre du bureau du CNOM.
Les atteintes aux personnes en progression
Dans le détail, on se rend d’ailleurs compte que tous les types d’agressions ne régressent pas. Ainsi, selon l’Ordre, 70 % des déclarations en 2011 relèvent de l’agression verbale, à type d’insulte ou de menace, contre 63 % seulement en 2010. Les agressions physiques restent en revanche quasi stables (12 % en 2011 contre 13 % en 2010). Le vandalisme aussi (12 % des incidents en 2011 comme en 2010). Enfin, les vols et tentatives de vols (23 % en 2011) baissent de deux points. On retiendra de ce qui précède que globalement, les atteintes aux personnes (qu’elles soient verbales ou physiques) sont tout de même en progression, alors que les atteintes aux biens régressent plutôt. Parmi les facteurs expliquant ces agressions, le reproche d’une mauvaise prise en charge arrive en première place. 212 cas concernés sur les 822 déclarations recensées. D’ailleurs dans 70 % des cas, il se confirme que l’agresseur est le patient ou entourage.
Dans le « top ten» des départements à risque, la plupart améliorent leur bilan, mais le nombre d’incidents demeure en légère augmentation à Paris et il double dans les Bouches-du-Rhône et les Yvelines ! Reste néanmoins des exemples encourageants: quatre fois moins d’affaires recensées en 2011 dans l’Hérault, - 50 % dans le Rhône... Le Nord totalise 44 déclarations contre 70 l’an passé, l’Isère, 34 cas contre 39 en 2010... Le bilan 2011 de l’Ordre évoque d’une manière générale une baisse des agressions en banlieue et un accroissement dans les centre-ville. Comme si l’effort avait été concentré ces derniers mois sur les « quartiers ».
Pour le ministère de l’Intérieur, il y a là un motif de satisfaction. A ce jour, selon l’Ordre, 62 départements ont pris en compte son protocole national signé par les principaux syndicats de médecins et par l’Ordre en avril 2011, et 37 des mesures concrètes pour assurer la sécurité des médecins. Pour sa part, Claude Guéant -qui devrait faire le point sur l’ensemble de ces dispositifs à la fin du premier trimestre 2012- évoque la signature de protocoles locaux dans une dizaine de départements.
En novembre dernier, alors que la CSMF faisait part de son impatience, le directeur du cabinet de Claude Guéant lui avait répondu que certaines mesures étaient déjà effectives sur le terrain. Il citait notamment la mise en place de boîtiers individuels d’alerte en Seine-Saint-Denis et d’un numéro d’appel dédié dans le Val-de-Marne. Deux départements qui, de fait, ont vu baisser assez nettement en 2011, leur nombre d’incidents. L’Observatoire en recensait 79 en Seine-Saint-Denis en 2010 contre 67 en 2011. Ce qui n’empêche pas au « 9.3» de rester à la première place du funeste hit-parade des départements les plus dangereux pour les blouses blanches. Le Val-de-Marne quant à lui compte 19 des 822 agressions déclarées en 2011. Il en déplorait 35 en 2010.
Les généralistes sont les plus touchés
On retiendra par ailleurs de cet Observatoire 2011 que les généralistes restent les médecins les plus touchés par la violence. Ils représentent 60 % des médecins agressés en 2011 (pour 47 % de l’ensemble du corps médical), une proportion à peu près stable d’année en année. Les hommes sont encore pour cette année 2011 ceux qui sont le plus agressés par rapport aux femmes. Ils sont 54 % à s’être fait agresser en 2011. Et les agressions qu’ils subissent sont plus violentes: 13% ont subi une agression physique contre 11 % pour les femmes plus nombreuses toutefois à essuyer les agressions verbales et les menaces (72 % contre 69 % pour les hommes). Dans les prochains mois, l’Ordre envisage de proposer des programmes pour faciliter la gestion des conflits par la diffusion notamment de courtes vidéos apprenant aux médecins d’apprendre à gérer une situation conflictuelle. Des cours qui pour le Dr Le Douarin pourront s’inscrire dans un « programme de FMC».