Le généraliste. Quels commentaires vous inspirent les résultats de l’Observatoire de la sécurité des médecins pour 2011 que vient de rendre public l’Ordre des médecins ? Par rapport à 2010, cet Observatoire recense un peu moins de déclarations d’agressions déposées par les médecins. Pour vous, est-ce conjoncturel ou le signe d’une tendance de fond ?
Claude Guéant. Ces chiffres nous apportent un éclairage particulièrement utile. Il faut certainement se garder de toute conclusion hâtive, mais j’observe tout de même que le nombre de faits déclarés en 2011 est en recul de 10,65 % : c’est là un résultat qui mérite d’être souligné. C’est une indication qui m’invite à l’optimisme, dans la mesure où il est encore trop tôt pour que l’on ressente déjà les bénéfices de la dynamique enclenchée avec la signature du protocole national pour la sécurité des professions de santé. L’analyse de ces données fait également ressortir que, statistiquement, le principal risque encouru est celui de l’agression verbale par un patient au sein du cabinet. Si les atteintes aux biens baissent de 4 points, la proportion des agressions verbales et des menaces augmente. Cette évolution est, à mon avis, révélatrice d’une tendance de fond qui, nécessairement, impactera notre façon d’agir et de réagir. Les biens sont de mieux en mieux protégés et c’est surtout contre les comportements incivils et agressifs, voire violents, qu’il faut mobiliser nos efforts.
Où en est l’application du protocole que vous avez signé il y a un an avec les syndicats de médecins libéraux et les ordres des professions de santé pour renforcer la sécurité des médecins. ? Que répondez-vous aux syndicats qui s’impatientent de sa déclinaison sur le terrain ?
C.G. J’ai signé ce protocole le 20 avril dernier, avec le Garde des sceaux et le ministre de la santé. Cela montre bien la volonté du gouvernement d’agir sur ce sujet. Dès le mois de juin, j’ai donné instruction aux préfets de prendre attache avec les principaux acteurs pour la déclinaison du protocole au niveau départemental. Pour l’heure, des protocoles locaux ont été signés dans une dizaine de départements. Une vingtaine d’autres entendent également formaliser cette déclinaison territoriale. Ailleurs, l’analyse de la situation locale a conduit les partenaires à consolider les dispositifs existants (mobilisation des référents-sûreté pour des diagnostics, établissement d’une chaîne d’alerte, sécurisation des pharmacies de garde, dépôt de plainte sur rendez-vous et parfois ligne dédiée…).
Ce plan prévoyait notamment la mise en place de vidéosurveillance, de boîtiers d’alerte ou de géolocalisation des praticiens. Qui peut bénéficier de ces dispositifs ? Et qui les finance ?
C.G. En matière de vidéo protection, j’ai moi-même adressé un courrier au président de l’association des maires de France le priant de sensibiliser les maires des villes dotées d’un tel système, ou en cours d’équipement, pour qu’ils intègrent les abords des cabinets médicaux et paramédicaux. Les préfets ont procédé de même dans les départements.
D’autres solutions ont été envisagées, notamment le recours à des boîtiers d’alarme géolocalisés. Depuis le mois de juin 2011, une expérimentation est conduite avec les services de police de la Seine-Saint-Denis. Il s’agit de tester différents types de boîtiers afin d’identifier la solution technique la mieux adaptée à un environnement fortement urbanisé. Une évaluation de ces dispositifs permettra, d’ici la fin du premier semestre 2012, de faire un point sur les matériels utilisés et les solutions techniques proposées. C’est en fonction de ce bilan que se posera la question du financement de ces dispositifs. Comme pour la vidéo protection urbaine, le fonds interministériel de prévention de la délinquance pourrait être sollicité.
Quels conseils donneriez-vous à des professionnels de santé qui exercent aujourd’hui dans des quartiers sensibles ?
C.G. Nous avons élaboré un guide pour se prémunir contre les risques de malveillance. Il a été diffusé à la fin de l’année dernière. Les conseils peuvent se résumer à trois exhortations : sensibilisation, discrétion et vigilance. Être sensibilisé, c’est avoir conscience des risques d’événements malveillants susceptibles de se produire et d’adapter en conséquence, tant l’équipement de son cabinet que son comportement. La discrétion commande d’éviter de laisser en évidence le matériel médical, les produits, les objets de valeur ou l’ordonnancier et de ne pas attirer l’attention sur ses habitudes professionnelles. La vigilance, enfin, c’est l’état d’alerte qui permet de détecter toute présence ou comportement suspect, tout fait anormal ou inhabituel dans l’environnement permettant d’anticiper et de réagir au bon moment.
Trois ans de prison pour l’agresseur à l’arme blanche d’une généraliste de Caen en décembre… Un peu plus d’un an ferme pour un homme qui, en novembre, avait frappé un praticien du Vaucluse… Dans ce type d’affaires, l’arsenal répressif vous semble-t-il aujourd’hui suffisant ? Le gouvernement donne-t-il des consignes de célérité et de sévérité pour traiter des violences aux « blouses blanches » ?
C.G. L’arsenal répressif contenu dans notre code pénal est très complet. Il repose sur le principe de graduation des peines liée à la gravité des infractions commises. Ce sont les juges qui décident de la peine infligée ; tout est question d’appréciation et de cas d’espèce. Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur ces décisions, mais il est important que les auteurs de violences contre les médecins soient interpellés, déférés, jugés, condamnés et qu’ensuite, ils purgent leur peine. Mais il faut surtout agir en amont, de manière préventive et dissuasive pour éviter le passage à l’acte. Ce qui compte, c’est avant tout d’épargner des victimes.
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« Avant tout, épargner des victimes »
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