Peut-on parler de guérison à propos du cancer alors qu'en 2004, cette pathologie est devenue pour la première fois en France, la première cause de décès devant les maladies cardiovasculaires et les accidents, du moins chez les 25-64 ans (BEH 2007, n° 35-36) ? « Oui, si l'on considère qu'actuellement, 50 % des cancers peuvent être guéris sans récidive, répond le Pr Tursz, directeur de l’Institut Gustave Roussy. Mais il faut garder présent à l'esprit que les cancers sont pluriels et ne doivent plus être fondus au sein d'une même entité pour laquelle la prise en charge serait univoque. » Les disparités sont grandes selon les types de cancers, et les courbes de survie très différentes selon la localisation, la nature histologique de la tumeur, le stade auquel elle est découverte, le terrain sur lequel elle survient, mais aussi selon ses caractéristiques en termes de biologie moléculaire (voir infra).
L’avènement de la pluridisciplinarité
Il faut aussi s’interroger sur ce que l’on entend par guérison. La notion de survie à cinq ans est couramment employée en cancérologie. Mais survie à 5 ans n'est pas nécessairement synonyme de guérison. « Certains cancers, tel par exemple le cancer du sein, peuvent encore récidiver 10 ou 15 ans après. D'autres au contraire, comme le cancer du testicule ou certains cancers hématologiques, pédiatriques notamment, peuvent être considérés comme guéris en l'absence de récidive à 2-3 ans. Il n'est donc pas possible de fixer un "standard" de durée de survie - 5, 10, 20 ans - au bout de laquelle la guérison serait assurée». En cancérologie, on parle de guérison lorsque la courbe de mortalité du cancer considéré rejoint celle de la population générale de même âge, de même sexe et n'ayant pas eu de cancer.
La notion de guérison doit également être tempérée par l'éventualité de la survenue tardive d'un second cancer, de nature et de localisation différentes, en particulier chez les enfants ayant guéri d'un premier cancer. Il faut probablement y voir l'effet conjugué de la toxicité tardive des thérapeutiques employées et d'un terrain génétique particulier.
Des progrès thérapeutiques incontestables
Les évolutions thérapeutiques successives, qu'il s'agisse de la chirurgie des cancers, de la radiothérapie ou des traitements médicamenteux, ont certes permis d'améliorer la prise en charge et le devenir des patients atteints de cancers. De même en ce qui concerne le diagnostic précoce et les progrès du dépistage. Mais d'autres étapes importantes doivent être mentionnées. « C'est le cas des avancées en termes de classification des cancers. Au sein des hémopathies malignes par exemple, on a pu distinguer différents types de leucémies ou de lymphomes, eux-mêmes classés en plusieurs sous groupes en fonction de certaines anomalies (chromosomiques, anomalies des marqueurs, des protéines de fusion…). Ce qui permet aujourd'hui d'adapter plus précisément les protocoles thérapeutiques. L'histoire ira probablement dans le même sens pour les tumeurs solides, ajoute le Pr Tursz, à l'instar de ce qui se passe actuellement pour le cancer du sein ». L'autre élément majeur est l'avènement de la pluridisciplinarité. « Le péché originel de la cancérologie, symbolisé par le combat entre chirurgiens, radiothérapeutes et médecins oncologues, n'a plus cours aujourd'hui, les vrais progrès thérapeutiques étant venus de l'intégration de ces trois types d'approche » remarque-t-il.
L'avenir est à la biologie moléculaire
Dans les prochaines années, la biologie moléculaire devrait permettre encore de nouveaux progrès.
On dispose déjà de thérapeutiques ciblées agissant sur une cible moléculaire précise. Par exemple l'anticorps monoclonal trastuzumab, dirigé contre le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain (HER2), utilisé dans certains cas de cancers mammaire ou gastrique. On envisage à présent d'utiliser les thérapies ciblées à des stades tumoraux de plus en plus précoces.
Le défi des prochaines années résidera de fait dans la discrimination très fine des tumeurs. L'essor de la biologie moléculaire et de la génétique a permis d'objectiver, à localisation et type histologique équivalents, différentes anomalies moléculaires au sein de tumeurs a priori comparables. « Nous ne sommes plus à l'ère du traitement "taille unique". Les traitements de demain auront pour mission d'agir sur ces anomalies moléculaires et les stratégies thérapeutiques devront tenir compte de la classification moléculaire des tumeurs. Il faudra également résoudre la question de la durée de traitement. Certains cancers, traités au long cours, deviendront-ils alors des maladies "chroniques" ? Autant de questions essentielles pour notre société».
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