Pourquoi la médecine du travail en 2014 ? Deux spécialistes témoignent.
Frédéric Testas : « J’ai pris le virus de la santé au travail pendant mes études »
Après Citroën, Framatome et l’AP-HP, Frédéric Testas est devenu médecin du travail à l’Assemblée nationale :
« Initialement pneumoallergologue, le virus de la santé au travail m’a touché très jeune. Les problèmes liés à l’amiante m’ont guidé vers cette spécialité et je considère que je suis médecin du travail depuis toujours.
Être médecin ne correspond pas seulement à s’installer dans un cabinet pour recevoir les gens et les soigner. Pour devenir médecin du travail il faut accepter d’exercer au milieu des gens. Parler de santé de prévention, d’urgence et d’hygiène, c’est notre quotidien. Notre action se situe au cœur de la vie des gens et ce mode d’exercice restera toujours très différent. C’est avant tout une approche humaniste de la médecine et il faut arrêter de dire que les femmes choisissent cette spécialité d’abord pour les horaires. Sur le terrain, ce n’est absolument pas le cas.
C’est un choix et pour emprunter cette voie le plus tôt possible, il faut être doté d’un peu de psychologie, car il n’est pas question d’être coercitif, intrusif ou trop présent. Pour se faire accepter, il faut trouver cette finesse d’analyse tout à fait passionnante. Certains demandent beaucoup, d’autres n’attendent rien. Des salariés reviennent parfois nous voir en nous remerciant de leur avoir sauvé la vie. Il faut savoir tout recevoir et s’adapter aux situations. Cet exercice impose une connaissance complète des risques y compris ergonomique et psychologique. On parle enfin aujourd’hui de pathologies liées à l’exercice du travail et ce n’est pas un médecin généraliste dans son cabinet qui pourra déceler ce que nous voyons. Ce n’est pas leur rôle. »
Brigitte Marie : « À l’hôpital comme un poisson dans l’eau »
Médecin du travail à l’Institut Curie, Brigitte Marie a été urgentiste dans une vie antérieure.
« Après 15 ans aux urgences en Seine-et-Marne, la médecine du travail dans un lieu de soins est un bonheur quotidien. Nous sommes les seuls à côtoyer les gens dans leurs milieux professionnels. C’est une richesse fabuleuse, car chaque individu s’investit beaucoup dans son travail, c’est ce qui nous structure. À l’hôpital, nous sommes plongés dans un univers qui nous est familier. On n’en connaît les codes, la hiérarchie, le médecin du travail n’a pas besoin d’adaptation. Les confrères débordés ne viennent pas spontanément nous voir, mais avec du temps on établit une relation qu’il leur est finalement très utile. Souvent, la mise à jour vaccinale contre l’hépatite B est une bonne entrée en matière.
Les médecins procèdent rarement à un bilan de santé. Ils ne se soignent pas, n’ont pas de médecin traitant et ils se négligent. De plus, on observe un certain déni de la maladie entouré d’une pudeur. Un médecin ne veut pas montrer ses faiblesses et finalement, on parle très rarement de ses problèmes de santé à un confrère. Ceux qui frisent le burn out ne se tournent pas vers leurs confrères pour un arrêt travail ou un arrêt maladie et c’est précisément là que nous avons une mission. Nous pouvons leur ouvrir les yeux sur des droits sociaux auxquels ils ont aussi droit. Les directions hospitalières ne les ont jamais traités comme les autres salariés alors qu’on exige de plus en plus d’eux. »
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