Saint-Amant-Tallende, à 20 km de Clermont-Ferrand. Dans ce village de 1 500 habitants, cinq généralistes libéraux sont installés, dont trois dans le même cabinet. L’un de ces associés, le Dr Fabienne Lapalus, est aussi médecin coordinatrice de l’Ehpad de 92 lits. « J’y suis les mardis, et les vendredis après-midi… et toutes les fois où il y a un problème, explique-t-elle. Si je n’étais pas en cabinet collectif, ce serait impossible ».
Une douzaine de médecins traitants interviennent à l’Ehpad. Certains, trop éloignés, ne viennent qu’une ou deux fois par an. « En cas d’urgence, je gère, commente la coordinatrice, puis je leur demande de passer». Cependant, la majorité des résidents sont suivis par l’un des cinq médecins du village. «Nos échanges sont très simples, puisqu’on se voit tout le temps», se félicite le Dr Lapalus. «Fabienne et moi sommes un peu comme un vieux couple, confirme Pierre Caillaud, l’un de ses associés au cabinet. Elle sait être autoritaire, mais avec de la diplomatie, ce qui est indispensable à ce poste». L’intéressée met un bémol : «Certes, le contact est facilité, mais trop bien se connaître empêche parfois de parler franchement…».
Dès sa prise de poste, elle avait tenté d’établir un contrat : «Ça été un tollé ! Or il était très proche du projet de décret actuel : respect des horaires et du cahier des charges de l’Ehpad, d’une liste de médicaments… ». Si la coordinatrice souhaite ces « règles du jeu écrites et opposables », c’est parce qu’elle doit gérer le mécontentement des infirmières lorsqu’un médecin arrive hors de leurs heures de travail ou pendant les repas. Et parce qu’elle peine à réunir les 12 libéraux deux fois par an. « Je sais que c’est le minimum, reconnaît Pierre Caillaud. Mais pour moi qui fait aussi la régulation au centre 15, c’est difficile d’aller encore en réunion le soir… surtout que ce n’est pas financé. L’Ehpad ne représente que 600 de mes 200 000 € de chiffre d’affaires annuel... Il est vrai que je tarde souvent à renouveler les ordonnances et que les infirmières doivent taper dans le stock des autres résidents. Mais j‘assure aussi nombre des urgences». Un contrat ? « Ca ne va faire que des histoires… Dommage, parce que l’Ehpad reste le seul lieu où l’on peut travailler en interdisciplinarité ». Un autre généraliste du village pense, lui, déjà, à quitter l’établissement. « En tant que libérale, je comprends cette volonté d’indépendance», commente le Dr Lapalus, dont la position de coordinatrice de confrères semble délicate. Ce double statut « est important pour sa légitimité, estime Pierre Caillaud, mais il faut qu’elle veille à ne pas « profiter » de sa position : à l’Ehpad, elle a 2,5 fois ma patientèle ! En cas de baisse d’activité des cabinets, elle pourrait subir des reproches».
La jeune Hélène Vaillant-Roussel, elle, vers qui cinq patients de la maison de retraite ont été orientés, se montre d’un tout autre avis : «Même avec nos relations privilégiées, nous manquons encore de communication avec la maison de retraite. S’il y a un contrat qui oblige à plus de réunions et qui permette au médecin coordinateur d’apporter un œil supplémentaire sur les patients, je serai ravie. Quant à un forfait, nous, les jeunes médecins, nous ne tenons pas forcément à la rémunération à l’acte. Nous voulons une forme d’exercice plus sereine ».
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