Généraliste depuis 1983 à Marseille, le Dr Philippe Iliopoulos est médecin coordinateur depuis février 2009 à la Résidence Michelet, un petit EHPAD (35 lits), non loin de son cabinet. « J’avais obtenu mon diplôme quatre ans avant à Nice auprès du Pr Balas, éminent gérontologue. J’avais déjà travaillé comme libéral dans une grosse maison de retraite (90 lits). Les petites structures ont un réel intérêt sur le plan de la qualité des soins : les soignants s’attachent plus étroitement à leurs patients. Ici, je suis tenu au courant de ce qui se passe dans les cinq minutes ; ailleurs, avec plus de cent lits, l’information est souvent retardée, voire perdue. A Michelet, j’ai trois patients, ce serait malsain d’en avoir trop. Les résidents gardent le libre choix du médecin traitant. Huit interviennent ici. Avec eux, ça se passe bien, car je respecte leur indépendance professionnelle. La convention tripartite qui définit mon rôle est délirante : onze tâches, qui vont de l’examen initial pour une admission à l’établissement des protocoles et à la gestion administrative. J’ai ainsi développé l’outil informatique. Il permet un suivi renforcé du patient et l’impression de son dossier médical à tout moment ».
Dès lors pourquoi pas médecin coordinateur à temps plein ? « Je n’ai rien contre le principe. Le frein, c’est la grille de salaires, grotesque : 340 euros nets pour 13 heures par mois ! D’ailleurs, le système est boiteux, qui nous demande le maximum en un minimum de temps, pour une rémunération ridicule. Dans ces conditions, on va droit dans le mur. Néanmoins, je trouve ce poste très intéressant, valorisant, et il permet au libéral que je reste, de sortir de son cabinet ».
Le blues du libéral
L’avis du Dr Eric Marty, généraliste et intervenant à la Résidence Michelet, est très différent. « Dans ce quartier (Ndlr : en plein centre résidentiel de Marseille), la concurrence est grande. Des travaux ont été effectués, mais c’est un vieil établissement. On a du mal à garder des infirmières salariées, beaucoup sont attirées par le libéral. J’ai toujours travaillé en maison de retraite, exclusivement même pendant dix ans. Mais je ne veux pas y être salarié. De toute façon, à terme, il n’y aura plus de médecins libéraux. Le coordinateur sera amené à tout faire au nom de la rentabilité. Déjà aujourd’hui, ce n’est plus un médecin mais un manager. Même les cabinets disparaîtront laissant place à des maisons pluridisciplinaires ».
Très sombre, le Dr Marty souhaite garder ses patients résidents, « même pour 32 euros », mais dénonce « ces urgences pour des malades déjà partis avec les pompiers à son arrivée ». Il s’inquiète du vieillissement de la population… médicale et conclut : « Avec le médecin coordinateur, c’est le "je t’aime moi non plus". Il remplacera bientôt tout le monde. Place au salariat, ça bénéficiera aux grands groupes. La Résidence Michelet appartenant à un particulier, un jour, celui-ci vendra les murs, car ce sont eux, en plein Marseille, qui valent le plus cher ».
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