La dichotomie (typiquement française) rhinite / sinusite disparaît enfin au profit de la terminologie « rhinosinusite », plus appropriée. Les débats portant sur les qualificatifs « chronique » et « aigue » ont abouti à réserver le terme de rhinosinusite (RS) aigüe aux formes s'installant en moins de 12 heures et se résolvant sous traitement en trois semaines. On a donc déplacé vers la gauche le curseur qui distinguait auparavant les formes aigues des chroniques à partir de 12 semaines, d’où l’apparition d’un no man's land entre 3 et 12 semaines, désormais nommé « subaigu » faute de mieux. Les étiologies sont dominées par les causes virales ; la surinfection bactérienne, d'emblée ou secondaire, ne concerne que 0,5 à 2 % des RS aigües. La formule « les antibiotiques c'est pas automatique » a encore de beaux jours devant elle ...
Repérer les localisations à risque
La quasi constante bénignité de cette pathologie ne doit pas faire négliger les formes à risque de complications : RS à localisation ethmoïdale, sphénoïdale ou frontale plutôt que maxillaire.
La sinusite frontale aigüe se traduit par une douleur sus-orbitaire, avec fièvre, rhinorrhée purulente antérieure homolatérale et obstruction nasale. La sinusite sphénoïdale aigüe est souvent trompeuse : céphalées profondes, douleurs oculaires parfois, fièvre, état général souvent conservé, rhinorrhée antérieure ou jetage postérieur pouvant passer inaperçus sans endoscopie nasale. L'ethmoïdite aigue est rarement différenciée d'une sinusite frontale ou maxillaire lorsqu'elle est non compliquée : la fièvre est souvent élevée, avec une suppuration homolatérale, l'endoscopie souvent difficile du fait de l'œdème et des sécrétions purulentes. Dans ces formes, le recours au scanner voire à l'IRM doit être "facile" pour dépister d'éventuelles complications.
Complications neuro-oculaires : le piège
Les complications de type orbitaire et intracrâniennes sont de diagnostic souvent malaisé, donc méconnu et retardé ; ce sont pourtant des urgences thérapeutiques, justifiant d’une hospitalisation pour imagerie, antibiothérapie généralement parentérale et avis chirurgical. " Toute la difficulté de ces complications" insiste le Dr David EBBO (Issy les Moulineaux) " vient de leur caractère totalement imprévisible, d’autant qu’elles touchent des sujets jeunes sans comorbidités associées ni antécédents particuliers, et qu'elles peuvent révéler le foyer sinusien ". Les complications neuro-oculaires sont heureusement rares (4%) ; elles touchent plus volontiers les hommes entre 20 et 30 ans, peut-être en raison d'un réseau de veines diploïdes plus développé. Un terrain immunodéprimé (diabète, VIH, neutropénie post-chimiothérapie) est rarement retrouvé. Il en est de même pour les déhiscences osseuses congénitales ou acquises : seules 10 à 15% de ces complications sont liées à des pathologies sinusiennes chroniques ou à un geste ORL chirurgical. La propagation de l'infection se fait soit par contigüité anatomique, soit par voie vasculaire vers l'œil et le cerveau. Il peut s'agir d'un blocage ostial au niveau maxillaire ou frontale avec douleurs intenses ; l'administration de vasoconstricteurs au niveau ostial sous endoscopie peut soulager, mais la ponction sinusienne est le moyen le plus rapide et efficace pour évacuer la collection purulente.
Un pronostic visuel parfois menacé
Les complications orbitaires sont potentiellement graves du fait de l'exophtalmie qui met en jeu le pronostic visuel, la traction sur le nerf optique entrainant son ischémie. Il peut s'agir d'une cellulite orbitaire par propagation de l'infection vers la graisse orbitaire et la musculature extrinsèque de l'œil ; la fièvre est élevée, avec œdème palpébral, chémosis limitant les mouvements oculaires et parfois paralysie du VI inaugurale. La cellulite orbitaire pourrait être favorisée par la prise de corticoïdes ou d'AINS.
Abcès sous-périosté
L'abcès sous-périosté provoque un œdème unilatéral de la paupière supérieure masquant l'œil, un chemosis, une exophtalmie parfois difficile à mettre en évidence, souvent une diplopie associée et éventuellement une épistaxis du même coté. Le scanner doit être réalisé en urgence.
Abcès cérébral, méningite, thrombophlébite
Les complications intracraniennes débutent souvent brutalement, par un déficit musculaire, un coma, une crise comitiale ou un syndrome méningé. "Elles surviennent parfois de façon inaugurale, et dans plus de la moitié des cas chez un patient déjà traité par antibiotiques ; d’où la nécessité de l'informer de cette rare mais grave éventualité" avertit le Dr David EBBO. " Une complication neurologique peut survenir d'emblée après une simple rhinite purulente sans sinusite chez le sujet jeune sans antécédents particuliers ". Les abcès cérébraux constituent 2/3 des complications intracrâniennes ; souvent muets cliniquement ils ne se traduisent que par une fièvre, des céphalées et une obnubilation. Les méningites sont plus souvent liées aux sinusites sphénoïdales ; elles sont surtout dues au pneumocoque. Les empyèmes sous-duraux se manifestent par des céphalées fébriles, des troubles de la conscience, une crise comitiale ou des signes déficitaires ; la redoutable thrombophlébite du sinus caverneux, souvent uniquement révélée par l'imagerie lors du bilan de complications, peut se traduire par une crise comitiale brutale avec obnubilation postcritique prolongée, ou une exophtalmie avec paralysie des nerfs oculomoteurs pouvant aboutir à une ophtalmoplégie. Elle survient surtout après une sinusite sphénoïdale. Germe le plus en cause : le staphylocoque.
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