Les recommandations présentées au congrès de la SPLF seront vraisemblablement un peu modifiées dans leur version définitive, les débats entre les présentateurs et la salle ayant surtout porté sur la rigidité et la complexité de la filière de soins établie pour la prise en charge des exacerbations ainsi que sur la dichotomie trop marquée entre les stratégies à adopter en ambulatoire et en hospitalisation. Les corrections porteront sans doute davantage sur la forme que sur le fond.
Le Dr Sandrine Pontier (CHU de Toulouse) rappelle que si la prise en charge ambulatoire des exacerbations est de loin la plus fréquente, "elle n'est possible que si le patient et son entourage sont informés des risques d'aggravation et de la conduite à tenir, et sous couvert d'une réévaluation systématique dans les 24 et 72 heures". Un référent de pneumologie ou de soins intensifs doit pouvoir être contacté par le médecin devant un signe de gravité. L'hospitalisation en pneumologie s'impose si la BPCO est sévère, s'accompagne de comorbidités ou s'il existe un doute diagnostique avec une pathologie cardiaque ou une embolie pulmonaire, l'admission en soins intensifs étant requise devant des signes neurologiques ou cardio-respiratoire (cf. Encadré).
Les indications de l'assistance ventilatoire mécanique et de l'oxygénothérapie restent les mêmes que pour GOLD 2009 et la SPLF 2003. On privilégie bien sûr l'assistance ventilatoire non invasive (NVI) par rapport à l’assistance ventilatoire invasive (VI) sur prothèse endotrachéale. Elle a fait la preuve de son efficacité à réduire la morbi-mortalité et la durée de séjour chez les malades hospitalisés, avec pour objectifs essentiels : assurer une oxygénation correcte, réduire la dépense énergétique liée à la ventilation, limiter la distension thoracique et réduire la profondeur de l'acidose. On considère par contre que la normalisation de la PaCO2 n'est pas une priorité. L'oxygénothérapie reste prescrite devant une saturation en O2 inférieure à 90%, mais la phrase "doit être instaurée initialement à l'hôpital" qui a provoqué certains remous parmi les pneumologues présents sera vraisemblablement révisée. La kinésithérapie respiratoire a toute sa place en cas d'encombrement, les techniques, la durée et la fréquence n'ayant cependant pas été précisées. Différence avec les recommandations précédentes, on insiste sur la nécessité de mobiliser très précocement les patients, y compris ceux qui sont hospitalisés, et on rappelle que la réhabilitation respiratoire peut être débutée dès la phase aiguë.
Corticoïdes, antibiotiques, c'est pas automatique !
"Si les bronchodilatateurs de longue durée d'action longue n'ont aucune indication, la prescription de bronchodilatateurs à courte durée d'action doit être systématique, qu'il s'agisse de ß2 ou d'anticholinergiques" souligne le Dr Anne Guillaumot (CHU de Nancy) "On n'a pas véritablement prouvé l'existence d'un effet additif de leur association, mais celle-ci peut être discutée en cas de non amélioration. L'administration doit être faite par voie nébulisée, le recours à la voie sous-cutanée restant exceptionnel et indiqué uniquement si la première est impossible". En raison de leurs effets secondaires, les recommandations françaises ne préconisent plus les théophyllines qui pour les anglos-saxons restent un recours de 2° intention. De même, contrairement à GOLD, les corticoïdes par voie systémique ne doivent plus être prescrits en première intention même dans les formes graves. Ils sont réservés à l'absence d'amélioration sous bronchodilatateurs et kinésithérapie, pendant moins de 7 jours et à une posologie inférieure à 1mg/kg/jour ; et précise-t-on "à condition de la réversibilité prouvée de l'obstruction bronchique" ce qui dans la BPCO laisse perplexe. Des travaux en cours semblent indiquer que la corticothérapie inhalée serait aussi efficace que la voie orale pour moins d'effets indésirables. Elle a donc certainement un avenir dans le traitement des exacerbations mais le manque de données n'a pas permis d'établir de recommandation ferme.
L'antibiothérapie ne doit pas non plus être systématique : la moitié seulement des exacerbations seraient d'origine infectieuse, parmi lesquelles une moitié est bactérienne et l'autre virale, avec toutefois des difficultés à les différencier uniquement sur la clinique. Les germes les plus souvent en cause sont Haemophilus influenza, Streptococcus pneumoniae, Branhamella catarrhalis ou Pseudomonas aeruginosa. Les antibiotiques ne sont pas indiqués devant une BPCO stade I (sans dyspnée d'effort à l'état basal) ni dans les stades II et III chez un patient "en bonne santé par ailleurs et n'ayant pas d'expectoration purulente. Ils se justifient par contre s'il existe des comorbidités, des crachats purulents dans les stades II et III : sont alors recommandés amoxicilline, céphalosporine de 2° ou 3° génération, macrolide, pristinamycine, télithromycine. Dans les BPCO de stade IV, devant des signes de gravité de l'exacerbation ou des récidives fréquentes, la SPLF préconise amoxicilline/acide clavulanique, céphalosporine injectable ou fluoroquinolone (lévofloxacine). Elle reprend néanmoins les réserves émises par la Société Française de Pathologie Infectieuse vis-à-vis de la télithromycine ou des fluoroquinolones : vu le risque d'effet indésirables sévères, hépatiques surtout, la télithromycine ne doit pas être proposée en 1° intention et réservée uniquement aux exacerbations ou l'infection est prouvée et documentée et en cas de résistance ou de contre-indications aux ßlactamines ou aux macrolides. Les fluoroquinolones ne doivent pas être prescrites non plus en première intention ; elles seront évitées si le patient en a reçu dans les 3 derniers mois et avec prudence chez les sujets âgés sous corticothérapie. La ciprofloxacine doit être réservée au traitement du Pseudomonas aeruginosa, suspecté en cas d'antibiothérapies fréquentes (plus de 4 par an), d'hospitalisations récentes ou répétées, d’institutionnalisation, d'antécédent de dilatation des bronches. La voie per os est préférable lorsqu'elle est possible, pour une durée de 5 à 7 jours. Quel que soit le traitement entrepris, la situation doit toujours être réévaluée à 48/72 heures. Antitussifs et sédatifs sont bien sûr contre-indiqués, quant aux analeptiques respiratoires, ils n'ont pas d'indication. La SPLF insiste sur l'importance de la prophylaxie thromboembolique en cas d'exacerbation grave, chez un patient qui reste alité.
La procalcitonine, un marqueur à suivre
Les examens paracliniques ne sont pas systématiques et il revient au praticien de prescrire éventuellement une radio de thorax en cas de doute sur le diagnostic, un examen cytobactériologique des crachats s'il craint un germe inhabituel…etc. La procalcitonine est un biomarqueur d'inflammation qui serait plus spécifique des infections bactériennes que la CRP. Son utilisation pourrait permettre d'éviter la prescription d'antibiotiques inutiles ou de réduire leur durée, mais on manque de données assez larges pour insérer cet élément dans les recommandations actuelles.
Article suivant
Les signes de gravité lors d'une exacerbation de BPCO
Des recommandations plus "frenchy"
Les signes de gravité lors d'une exacerbation de BPCO
Vers des traitements guidés par les biomarqueurs
Des conditions strictes de réalisation
Tests de provocation bronchique : prouver ou infirmer une hyperréactivité
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature