Une révolution du même ordre que ce que furent, il y a bientôt vingt-cinq ans, les débuts de la carte Vitale. C'est le destin que prédit Olivier Véran à « Mon espace santé », lancé officiellement ce jeudi matin, une manière de placer ce nouveau carnet de santé électronique sous de meilleurs auspices que le Dossier médical partagé (DMP) qu'il vient aujourd'hui remplacer et enrichir. On se souvient que ce dernier avait été expérimenté une première fois en 2004 et aurait dû être généralisé trois ans plus tard. Il fut ensuite relancé à chaque quinquennat suivant. « Cet outil ne sera pas figé, il ne sera pas une mauvaise caricature de projet administratif qui débarque avec 20 ans de retard, promet le ministre de la Santé. Il sera évolutif et s’adaptera autant aux besoins qui apparaîtront qu’aux demandes qui seront formulées par les patients et les professionnels de santé. »
Après une première reprise en main par l'Assurance maladie, le chantier a été remis en plat avec la délégation du numérique en santé (DNS) pendant trois ans. Ce service, prévu par la loi de santé de 2019, est « l’un des grands engagements du quinquennat » a encore vanté Olivier Véran insistant sur le fait que « les données sont hébergées intégralement en France » par les sociétés Atos et Santeos.
?Avec #MonEspaceSanté, c'est vous qui avez la main sur votre santé !
— Ministère des Solidarités et de la Santé ???? (@Sante_Gouv) February 3, 2022
Démonstration avec le ministre @olivierveran et l'ouverture de son compte qui est simple, pratique et rapide ⤵ pic.twitter.com/B9WcnRsmw8
Consentement présumé
Concrètement, depuis le 31 janvier, tous les assurés peuvent accéder à leur « leur coffre-fort de documents santé », traduit Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé, l’un des architectes de la plateforme. Un espace en ligne - et d'ici au printemps une application pour smartphone - qui renfermera ordonnances, comptes rendus de biologie et d’imagerie ou encore document de sortie d’hospitalisation. « Nous souhaitons ainsi passer de 10 millions de documents partagés sur l’ancien DMP à 250 millions fin 2023 », mise désormais Laura Létourneau, déléguée du numérique en santé.
Pour gagner ce pari, les artisans de la plateforme ont décidé d'un changement majeur de paradigme. Contrairement au DMP, l'accès sera ouvert automatiquement à tous les Français, sauf opposition explicite de leur part. « 65 millions de courriers et de mails seront envoyés entre février et fin mars à tous les assurés, précise Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins (Cnam). Au bout de 6 semaines, si l’assuré ne s’est pas connecté à la plateforme, ni opposé, « Mon espace santé » sera créé automatiquement ».
Messagerie sécurisée
« Mon espace santé » bénéficiera aussi d'un atout certain : l'interopérabilité à terme des logiciels des professionnels et des hôpitaux qui faisait défaut. Une difficulté qui avait sans doute largement contribué à plomber le DMP. Pour cela, la DNS a pu piocher dans les deux milliards d’euros du Ségur du numérique. « Avant cela, les données des patients étaient dispersées au sein de différents logiciels, chez le radiologue, l’ophtalmo, le médecin traitant, à la pharmacie… », souligne Dominique Pon. Désormais, dès la fin 2022, tous les professionnels de santé pourront déjà communiquer entre eux et s’échanger des documents, via la messagerie sécurisée nationale. « Ils pourront également envoyer des informations directement à leur patient », ajoute Dominique Pon.
Et surtout à la fin 2023 – une fois tous les logiciels libéraux, médico-sociaux et hospitaliers mis à jour – « tous les médecins pourront envoyer, sans clic supplémentaire, une copie des documents au patient ». Pour l’heure 18 éditeurs sont déjà référencés, 86 en cours de labellisation. « Mon espace santé » pourra ainsi également permettre le déploiement de la prescription électronique
Lors des concertations citoyennes qui ont précédé le développement de ce service, une partie des représentants des patients souhaitaient que le malade puisse choisir quel soignant aura accès (ou non) à ses documents. Séropositivité, antécédent d'IVG par exemple, il sera possible de cacher certaines données à son kiné ou à son pharmacien par exemple. Seul le médecin traitant peut — et doit — avoir accès à l’ensemble du dossier médical.
Des incitations financières
Si la Cnam croit autant au succès de la plateforme, c’est aussi qu’elle y a associé des incitations financières pour les libéraux, au travers de l’avenant 9 à la convention médicale de juillet dernier. Une enveloppe de 300 millions d’euros est prévue, dont 110 millions alloués aux médecins traitants pour le remplissage du volet de synthèse médicale de leurs patients (antécédents, traitements, etc.). « Cette rémunération sera versée par paliers : 1 500 euros si le médecin remplit cette synthèse médicale pour 50 % de ses patients en ALD ; 3 000 euros s’il le fait pour 90 % de cette patientèle », rappelait en décembre dernier Marguerite Cazeneuve. À cela s’ajoute un bonus de 20 % si les données sont versées en format structuré, car tout cela prend du temps au médecin.
Par ailleurs, de nouveaux indicateurs ont été introduits dans le forfait structure : alimentation du DMP, utilisation de la messagerie sécurisée avec le patient, de la e-prescription, de l’application carte Vitale… Chacun de ces items, facultatifs, est pris en compte dans le forfait structure, à hauteur de 100 millions d’euros en 2022 et 100 millions d’euros en 2023. « Mon espace santé va permettre une fluidification énorme du parcours de soins, la coordination se fera de façon quasi automatiquement, pour un gain de temps et d’efficacité, au bénéfice du patient », se félicite Marguerite Cazeneuve.
Côté patients, « Mon espace santé » va également s'enrichir de deux nouvelles fonctionnalités au courant de l'année : un agenda des rendez-vous médicaux et des alertes de dépistage et de vaccination et un magasin d'applications santé labellisées par les pouvoirs publics. Ainsi, certains objets connectés de mesure de la glycémie ou de la tension artérielle par exemple, pourront être reliés directement au dossier médical.
Pas de surrisque pendant la grossesse, mais un taux d’infertilité élevé pour les femmes médecins
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols