« Les nouvelles technologies sont extraordinaires pour la formation, assure le Pr Thomas Grégory, chef de service de chirurgie orthopédique et traumatique de l'hôpital Avicenne (AP-HP). À titre d’exemple, j’encadre des internes et des externes, et je ne peux pas tous les accueillir au bloc opératoire ». Or, le besoin de formation est réel, aussi bien en France qu’à l’étranger, notamment dans les pays en voie de développement. Face à un système de santé qui explose et dans le cadre des 15 ans de formation des chirurgiens, « la possibilité d’accueillir virtuellement autant de chirurgiens que l’on souhaite dans notre bloc, prend tout son sens, souligne-t-il. Ils se trouvent alors derrière un écran, et grâce aux systèmes applicatifs, ils peuvent assister à une intervention en direct. »
Un accès inégal sur le territoire
En 2021, le Conseil national des jeunes chirurgiens (CNJC) a réalisé un sondage sur la formation des jeunes chirurgiens par la simulation. Les résultats montrent l’intérêt réel des professionnels pour cette technique : dans 89 % des cas, elle leur donne confiance, et pour 81 % des répondants, elle permet de réduire la durée de la courbe d’apprentissage.
La réalité virtuelle offre à l’utilisateur des fonctionnalités en mode coopératif avec plusieurs apprenants, une scénarisation professionnelle établie avec les étapes opératoires à respecter puis une évaluation. « Le chirurgien va ainsi pouvoir se former de manière répétitive sans risque, en utilisant les différentes techniques pour optimiser les gestes », explique le Dr Gabriel Saiydoun, président du CNJC.
En France, la simulation est un outil pédagogique bien implanté, avec un déploiement national. Si de plus en plus de formations intègrent les technologies de l’information et de la communication avec des casques et que le recours à ces techniques se démocratise, malgré tout, ce choix pédagogique est très « établissements dépendants ». « Des inégalités entre les universités sont observées », confie le président du CNJC.
L’exemple immersif de l’université Paris Cité
Du côté de l’université Paris Cité, deux plateformes de simulation en santé sont accessibles aux étudiants en médecine de Paris Descartes, Paris Diderot et Paris Nord, via le Laboratoire universitaire médical d’enseignement numérique en santé, multidisciplinaire (ILumens). C’est dans ce cadre que le Pr Patrick Nataf, chef du service de chirurgie cardiaque et vasculaire de l’hôpital Bichat (AP-HP), responsable scientifique du Labcom* Lynx (Inserm) « Réalité augmentée en chirurgie » et responsable projet des technologies immersives au sein d’ILumens, travaille à leur développement pour les étudiants en chirurgie.
Avec ces techniques virtuelles, « un étudiant peut observer, dans son champ de vision, les mains du chirurgien, qui va le guider sur des organes que nous allons voir également en hologramme, explique le Pr Patrick Nataf. Il va pouvoir intercaler ses mains afin de reproduire le même geste. » En chirurgie cardiaque par exemple, le cœur peut être virtuellement manipulé et disséqué pendant que les examens du patient sont affichés. Ce type de formation permet aussi d’évaluer la qualité et l’exactitude de la reproduction du geste, afin de s’assurer qu’il a été correctement appris et reproduit.
Dans le cadre du LabCom Lynx, le Pr Nataf développe également un autre outil, utile pour la formation à savoir une capsule de téléportation. « Dans cette capsule, mon bloc opératoire est reproduit à 360 degrés afin d’être en immersion complète et nous allons intégrer des hologrammes, explique-t-il. Nous pouvons alors effectuer un travail d’équipe en nous mettant en situation. De cette manière, l’étudiant se sent responsabilisé. »
Et d’assurer : « Ce type de formation est beaucoup plus ludique que les manuels. Les étudiants sont séduits car aujourd’hui, leur manière d’apprendre est davantage fondée sur la technologie que sur le carnet et le stylo. » Dans le cadre de la formation, l’usage de tels outils ne requiert pas nécessairement d’homologation.
*Financé par l'Agence nationale de la recherche, les Labcoms sont des laboratoires communs entre universités et entreprises.
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