C’était l’une des attentes des médecins : mettre l’accent sur la psychiatrie et non plus seulement sur la « santé mentale », décrétée grande cause 2025. Le ministère de la Santé semble avoir entendu la revendication. « Il faut insister sur le champ sanitaire, reconstruire l’offre de soins en psychiatrie et remédier à la crise des vocations », indique-t-on rue de Ségur.
Le ministre de la Santé Yannick Neuder a présenté ce 11 juin un plan en trois axes, « repérer, soigner, et reconstruire », devant le comité stratégique pour la santé mentale. S’il s’inscrit dans le cadre de la feuille de route lancée en 2018 et enrichie en 2021, ce programme a pour ambition de (re)lancer une dynamique sur des sujets jugés prioritaires. Sans nouveaux deniers, toutefois. « Les annonces ne sont pas financières », annonce-t-on d’emblée au ministère. « On doit s'appuyer en priorité sur les moyens que l'on a », a déclaré Yannick Neuder au Parisien.
L’axe 1, consacré au repérage des troubles psychiques, notamment à l’adolescence, et aux interventions précoces, repose en grande partie sur la « vigilance collective » au sein des écoles. Concrètement, deux personnes repères, formées, seront désignées dans tous les établissements scolaires du premier et second degré dès la rentrée 2025-2026 et un kit de repérage sera distribué à toute la communauté éducative. Les personnels de la santé scolaire seront sensibilisés, tout comme les étudiants du service sanitaire qui feront des compétences psychosociales la priorité de leurs interventions auprès des plus jeunes. Le gouvernement se donne l’objectif de former deux fois plus de secouristes en santé mentale, soit d’atteindre le chiffre de 300 000 d’ici 2027.
Renforcer la psychiatrie de proximité
En matière de soins à proprement parler (axe 2), ce plan se donne pour objectif de rendre plus lisible et accessible l’offre de proximité, afin de prévenir une crise, de mieux la prendre en charge en urgence et d’accompagner l’aval.
Pour renforcer les centres médico-psychologiques (CMP), il est demandé aux agences régionales de santé (ARS) de flécher les enveloppes en priorité vers les établissements qui proposent des créneaux de rendez-vous non programmés et vers des dispositifs de suivi ambulatoire post-urgence.
Les généralistes auront à leur disposition de nouveaux outils et guides pratiques de repérage rapide et d’orientation et le gouvernement mise sur un doublement du nombre de psychologues conventionnés participant à Mon soutien psy, de 6 000 à 12 000 d’ici à 2027. Chaque région devrait aussi avoir au moins une équipe de soins spécialisés (ESS) en santé mentale, susceptible d’apporter une expertise aux acteurs de premiers recours.
De nouvelles filières psychiatriques, jusqu’à 30 au total en 2025, seront déployées au sein des services d’accès aux soins (SAS), pour qu’une personne en détresse psychique soit mise en relation avec un correspondant formé à la psychiatrie, puis orientée vers un service adapté. Par ailleurs, afin de repenser la prise en charge des urgences psychiatriques, dont les défaillances ont été mises en lumière par les députées Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat, une mission est confiée à la commission nationale de psychiatrie et à la société française de médecine d’urgence. Une cartographie des équipes mobiles de crises et de centre d’accueil en amont des urgences devrait permettre d'élaborer un référentiel de bonnes pratiques.
Les équipes psychiatriques des urgences sont encouragées à se diversifier en incluant en leur sein des pairs-aidants, des acteurs de la réhabilitation sociale ou encore des travailleurs sociaux. Elles devront toutes être formées à la réduction des pratiques d’isolement et de contention. Un formulaire standardisé pour exprimer ses directives anticipées en psychiatrie devrait être déployé et intégré dans Mon espace santé.
Chaque maison de santé pluridisciplinaire (MSP), communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), et service d’urgence générale devra désigner un infirmier référent en santé mentale, afin d’assurer une prise en charge en première intention. Les groupements hospitaliers de territoires (GHT) devront intégrer une solution d’aval après la phase aiguë dans leur projet médical partagé, tout comme les ARS devront en prévoir dans leur projet territorial de santé mentale (PTSM) (sur la base de partenariats avec les établissements, le médico-social, les communautés, les bailleurs, et les équipes de liaisons, etc.). La nouvelle version d’une instruction encadrant les PTSM (PTSM 2.0) devrait par ailleurs mieux couvrir les angles morts que sont encore la prévention, l’inclusion, les publics jeunes et adolescents et la lutte contre les addictions.
Former 600 internes par an
Pour redorer l’attractivité de la psychiatrie (axe 3), alors qu’environ un tiers des postes de praticiens hospitaliers sont vacants, le gouvernement mise sur le développement de la dimension universitaire de la psychiatrie. Dès la formation initiale, toutes les facultés sont invitées à proposer aux étudiants un module en psychiatrie avancée, couplé à un stage pratique. L’objectif est de former 600 internes par an en 2027, contre 500 aujourd’hui.
Hors les CHU, les psychiatres de secteur sont incités à acquérir une valence universitaire et remplir des missions d’enseignement et de recherche, via par exemple des postes de professeur associé ou de PU-PH.
Une mission nationale sur les conditions de travail confiée aux représentants des professionnels et à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) devrait accoucher d’un plan d’actions début 2026, pour redonner du sens aux métiers, et garantir sérénité et sécurité.
Enfin, pour lutter contre les pénuries de psychotropes (quétiapine, sertraline, sel de lithium, venlafaxine, etc.), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) met en place une task force chargée d’assurer un suivi plus transparent des tensions et de préciser les alternatives à la clef.
Le plan a été accueilli plutôt froidement, tant dans les rangs de l’éducation nationale que de la santé. « Sans moyens financiers on ne voit pas bien comment ça peut fonctionner », a déclaré à l'AFP Catherine Nave-Bekhti (CFDT Education), alors qu’« on manque cruellement d’infirmières, de médecins et de psychologues scolaires, d’assistantes sociales ». « On ne peut pas faire peser le poids de ce défi uniquement sur les personnels déjà en place », a estimé Sophie Vénétitay (Snes-FSU).
Du côté des psychiatres, le Dr Jean-Pierre Salvarelli (syndicat des psychiatres hospitaliers) considère qu’« on ne peut pas rattraper 10 ans d'atermoiements et d'attente en deux coups de cuillère à pot. On prend ces mesurettes, mais ça ne va pas résoudre quoi que ce soit ». « Il y a des grandes lignes, mais il manque des éléments financiers majeurs, un échéancier et quantité de mesures: il n'y a rien sur la prévention, le repérage précoce, la recherche et la question des jeunes qui revient régulièrement », a estimé la Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
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