Si l'on n'a jamais autant parlé de psychiatrie et de santé mentale qu'en 2021, les réformes amorcées dans le secteur peinent à satisfaire les professionnels qui, plus que jamais, dénoncent une crise profonde de leur exercice.
La tenue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie les 27 et 28 septembre avait suscité de nombreux espoirs : 60 % des professionnels espéraient une revalorisation des métiers de la psychiatrie, nouveaux moyens à la clef, et 40 % attendaient une reconnaissance de la santé mentale dans le débat public, selon une consultation préalable en ligne. La prise de parole du président de la République en personne lors de la clôture a été perçue comme un acte symbolique fort - sachant qu'aucun chef de l'État ne s'était exprimé solennellement sur la santé mentale depuis le discours très sécuritaire de Nicolas Sarkozy en 2008.
Des assises décevantes pour les psychiatres
Mais sur le terrain, les mesures annoncées ont déçu, en particulier les psychiatres qui, paradoxalement, se trouvent écartés des principales annonces. Ils les jugent insuffisantes pour redorer le blason de leur spécialité et attirer une nouvelle génération de professionnels.
La mesure phare des Assises, actée à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), consiste à rembourser dès 2022 les consultations de psychologues (dès l'âge de trois ans), sur adressage d'un médecin (généraliste surtout, pédiatre, psychiatre), à hauteur de 40 euros pour la première séance, et de 30 euros pour les suivantes, sans dépassement possible, dans la limite de huit par an. Si les généralistes et certains addictologues ont salué la mesure, y voyant une réponse à un besoin d'écoute qu'ils ne peuvent satisfaire faute de temps, les psychiatres s'interrogent sur leur place dans le dispositif. Quant aux psychologues, ils fulminent contre un tarif jugé indécent et l’orientation sur prescription médicale.
Autre annonce, 800 postes devraient être ouverts entre 2022 et 2023 dans les centres médico-psychologiques (moitié pour les enfants, moitié pour les adultes), pour réduire les délais d'attente. Un dispositif de lits à la demande sera financé à hauteur de 15 millions d'euros en 2022, afin de pallier les suppressions précédentes. Chaque département devrait être doté d'une maison des adolescents (40 départements n'en ont pas). Les équipes mobiles dédiées à la santé somatique (40 devraient voir le jour) et celles se déplaçant dans les Ehpad ou autres établissements médico-sociaux (20) devraient être renforcées. Quelque 500 infirmiers en pratique avancée (IPA) devraient pouvoir être formés, en plus des 700 déjà en cours de formation.
« La mesure de la crise démographique sans précédent des personnels en psychiatrie, notamment médicaux et de ses raisons profondes, est loin d’avoir été prise en compte : la problématique de l’attractivité de la discipline reste entière malgré l’annonce de mesures largement insuffisantes pour y répondre », a réagi dans la foulée une douzaine d'associations représentatives de la psychiatrie publique. Au-delà des spécialistes, la Défenseure des droits (DDD) Claire Hédon, qui a rendu fin novembre un rapport alarmant sur la santé mentale des enfants, a regretté que les moyens ne soient pas à la hauteur des constats qui font désormais consensus.
Des réformes contestées
En lieu et place d'une grande loi, pourtant réclamée par les psychiatres depuis de nombreuses années, plusieurs réformes ponctuelles ont vu le jour en 2021. C'est notamment le cas de celle rénovant le cadre de l'isolement et de la contention, et ceci pour la deuxième année consécutive, le précédent dispositif élaboré en 2020 ayant été censuré par le Conseil constitutif. Le nouveau cadre introduit dans le PLFSS ne revient pas sur les durées limites des mesures d'isolement (12 heures) et de contention (six heures), ni sur la possibilité pour le médecin de les renouveler, mais il précise les conditions dans lesquelles le directeur d'établissement doit informer le Juge des libertés et de la détention (JLD), le médecin et « au moins une membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient ». Si le gouvernement défend la robustesse du dispositif, les psychiatres s'inquiètent d'une multiplication des saisines du JLD et des contraintes administratives supplémentaires.
Par ailleurs, la réforme de la tarification entrera en vigueur en janvier 2022, avec l'objectif d'unifier les modes de financement des établissements psychiatriques et d'instaurer une allocation plus équitable des ressources. Ce nouveau modèle repose sur des dotations populationnelles (80 % de l'enveloppe totale), mais aussi relatives à la file active de patients, aux activités spécifiques, à la qualité des soins, à la recherche, aux nouvelles activités, au codage, ou encore à la transformation de l'offre.
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