C'est un cri d'alarme sur les « risques dévastateurs » de la non-prise en charge de la santé mentale des enfants et de l'absence de prévention que lance la Défenseure des droits (DDD) Claire Hédon, en rendant public un rapport sur le sujet ce 17 novembre. Après un drame (harcèlement, discrimination, violence…), « l'on s'étonne que l'enfant n'ait pas parlé avant, mais on ne prévoit pas les conditions de libération et d'écoute de la parole », a-t-elle dénoncé.
Il y a là un enjeu de justice sociale, alerte l'ancienne journaliste (« Priorité Santé » sur RFI) et présidente d'ATD Quart Monde. « Un enfant qui ne va pas bien deviendra un enfant qui va mal. Quelle société voulons-nous offrir aux plus fragiles ? », interpelle-t-elle, soulignant l'urgence qu'il y a à agir. Et d'insister également sur la nécessité d'une prise en charge globale du problème, et non seulement par les spécialistes. « Le droit à la santé, dont la santé mentale, consacré notamment par l'article 24 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE)*, est indissociable des autres droits. Cela concerne tout le monde », insiste-t-elle.
Création de maisons des enfants
Tout en plaidant pour une approche transversale et la fin d'un fonctionnement en silo, le rapport, qui s'inspire des 3 000 saisines reçues chaque année par le DDD, mais aussi des auditions de professionnels et de la participation de 600 enfants, recommande plusieurs mesures qui touchent directement le secteur sanitaire. À commencer par la proposition de créer des maisons des enfants en lien avec les centres médico-psychologiques (CMP) et médico-psycho-pédagogiques (CMPP), ainsi que les PMI, sur le modèle des maisons des adolescents, que le rapport encourage à développer.
Le texte recommande aussi le renforcement des moyens pour les soins psychiques : augmentation des CMP et CMPP et des places en pédopsychiatrie, reconnaissance des équipes mobiles comme un « équipement de l'hôpital », développement des urgences pédopsychiatriques, en y assurant la présence systématique d'un pédopsychiatre, essor des unités thérapeutiques transversales, rassemblant dispositifs d'aller vers, soins ambulatoires et hospitalisation. Des propositions qui rejoignent celles qui ont pu être évoquées lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. « Le constat est partagé, mais les moyens consacrés sont insuffisants, que ce soit les postes prévus pour les CMP et CMPP ou les places en crèches du plan pauvreté, a commenté la DDD. Je conçois ce que représente la dépense, mais nous serions gagnants à long terme ».
Le rapport réitère par ailleurs sa recommandation d'interdire (dans la loi) l'accueil d'un mineur en unité psychiatrique adulte. Il demande aussi d'inscrire dans la loi un droit à la présence parentale dans les hôpitaux, tout en recueillant le consentement de l'enfant, selon son degré de discernement.
Soutenir la parentalité et l'école
« S'il est essentiel d'aborder la pédopsychiatrie, nous voulons aller plus loin sur la prévention », a insisté Claire Hédon. Cela pourrait passer par la mise en place de dispositifs d'accueil du jeune enfant (espaces d'éveil) et par le développement des protections maternelles et infantiles (PMI), des dispositifs d'accompagnement à la parentalité sur le territoire et des initiatives d'aller vers les familles les plus précaires.
À l'école, le renforcement de la médecine scolaire doit être une priorité et les enfants doivent pouvoir avoir réellement des modules dédiés à l'éducation aux droits. « Ça doit être systématique car cela peut faire écho à ce qu'ils vivent et cela sensibilise la classe », insiste la DDD. Elle demande aussi plus de moyens pour l'école inclusive, tout en garantissant aux enfants qui en ont besoin une orientation dans des établissements adaptés. « Le principe de désinstitutionnalisation n'est pas toujours possible ni souhaitable. Et l'on ne peut désinstitutionnaliser que si l'on dote l'Éducation nationale des moyens nécessaires, pour que ni les enfants ni leurs parents ne se retrouvent sans solution », a expliqué Claire Hédon.
Enfin, tout un ensemble de mesures porte sur les enfants de l'Aide sociale à l'enfance ou les mineurs non accompagnés qui doivent pouvoir avoir un accès inconditionnel aux soins. Le DDD recommande aussi des études pluridisciplinaires et longitudinales sur les effets à long terme de la crise sanitaire sur la santé mentale des jeunes, mais aussi sur les conséquences des addictions aux écrans. « La crise a été un révélateur des problèmes qui se posaient déjà avant », conclut Claire Hédon.
*« Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services ».
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