Ouvert depuis les vacances de la Toussaint, Château Sourire, à Marseille, est un lieu unique de soins, de répit et d’activités pour les enfants atteints de cancer. « Nous faisons tout pour que les enfants ne se rendent pas compte des soins, explique la Dr Blandine Vallentin, pédiatre spécialisée en oncologie, hématologie et immunologie à l’AP-HM. Parce qu'il y a un jeu proposé, ils ne se seront pas aperçus qu'ils avaient été examinés et soignés dans le cours de la journée. Le soin doit rester discret. »
À voir le large sourire de Théa, petite brune aux bouclettes soigneusement attachées en deux couettes lors de l’inauguration, fin septembre, le pari semble déjà réussi. La fillette de 11 ans, en rémission d’une leucémie diagnostiquée à l’âge de 9 ans, prend la pose avec les membres de l’association Sourire à la vie, devant la magnifique bastide édifiée dans les années 1850.
« Les sortir de l’hôpital »
Frédéric Sotteau, qui a fondé cette association il y a vingt ans, s’est donné pour mission de « sortir les enfants atteints de cancer de l’hôpital coûte que coûte, pour vivre des aventures. Pour vivre. » De la traversée en pirogue des archipels polynésiens à l’expédition en traîneau à chiens en Laponie, sans eau courante, ni électricité, ni chauffage, rien n’est impossible une fois le feu vert des équipes hospitalières obtenu.
« Lorsque Sylvie Santo, l’infirmière avec laquelle je travaille à la Timone au sein du service du Pr Hervé Chambost, m’a proposé d’accompagner le séjour en Laponie, je n’ai pas hésité, se souvient la Dr Blandine Vallentin. La plupart des jeunes étaient suivis au sein du service. Cela a ancré en moi l’envie de les prendre en charge dans une approche plus globale de santé. »
Ce moment partagé, sans blouse blanche, ouvre un espace de confidences « sur des sujets que les enfants n'osent pas forcément aborder dans les temps de consultation à l’hôpital, que nous n’avons pas toujours le temps ni l’espace pour accueillir : la rechute, la mort, la sexualité, les problèmes de fertilité… »
Le deuxième étage du château est l’aile médicale avec lits médicalisés. « Nous sommes équipés pour prodiguer tous les soins nécessaires, sauf les chimiothérapies et les transfusions, explique la pédiatre. Et une cheffe cuisinière assure des menus adaptés à chacun. »
Nous sommes équipés pour prodiguer tous les soins nécessaires, sauf les chimiothérapies et les transfusions
Dr Blandine Vallentin, oncopédiatre à l’AP-HM
Plus de quarante enfants et adolescents peuvent être accueillis dans les 1 000 mètres carrés rénovés, pour de courts ou longs séjours. « Les lieux ont été pensés pour que des enfants récemment greffés, des jeunes en début de traitement, en rémission ou à d’autres moments de la maladie puissent partager des espaces communs de vie et des activités dans un cadre médical adapté », explique Frédéric Sotteau. Aux abords du château, des villas peuvent accueillir des familles, parfois venues de loin, pour des soins au CHU de la Timone.
Accompagner la fin de vie
Au cœur du parc se niche, dans un îlot de verdure, l’une d’entre elles, la villa Éloïse, du nom d’une enfant accompagnée jusqu’au bout par l’association. Marie, une maman endeuillée, témoigne de l’importance « de pouvoir profiter de chaque instant avec son enfant » et aussi « de pouvoir s’en remettre à d’autres pendant et après pour ne pas s’écrouler ». « Cette maison a été pensée comme un lieu cocon, dans lequel la famille élargie peut venir », précise Frédéric Sotteau.
L’accompagnement des enfants en fin de vie, adressés par les hôpitaux, était prédominant aux débuts de l’association. Cette mission demeure au cœur de ses actions. « Il n’existe pas de lieux de soins palliatifs pour les enfants atteints de cancer qui ne soient ni la maison ni l’hôpital, déplore la Dr Vallentin. Des équipes formidables mettent en œuvre au quotidien les solutions les mieux adaptées, mais il faudrait plus de lieux dédiés, fonctionnant comme de l’hospitalisation à domicile, ce que nous proposons dans cet établissement. »
Les enfants atteints de cancer ont des besoins spécifiques avec des conduites à tenir très différents d'un SSR [soins de suite et de réadaptation, NDLR] classique, même pédiatrique. « Une chimiothérapie per os, comment ça se manipule, à quelle heure ça se donne, quels en sont les effets secondaires ?, illustre la pédiatre. La prise en charge de la douleur est spécifique. Un enfant, ce n'est pas un mini-adulte. Et se pose la question de la fertilité, de la croissance… »
Prochain projet ? Créer un hôpital de 15 lits dans une dépendance derrière le château. « Un établissement pour les soins médicaux et de réadaptation [SMR] spécialisé en cancérologie pédiatrique, explique Norbert Nabet, président de l’association et ancien directeur d’ARS. On pourra y prodiguer des soins de suite, notamment après des phases de traitement aigu. » Réponse attendue sous quelques mois.
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