« Bon anniversaire, la Sécu ! » : MG France dénonce un PLFSS truffé de « mesures imbéciles »

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Publié le 23/10/2025
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Le budget de la Sécurité sociale pour 2026 (PLFSS) a été torpillé jeudi 23 octobre par MG France, qui n’a pas de mots assez durs pour dénoncer son contenu. Revue de détail des mesures que contient cette nouvelle « usine à gaz », selon le syndicat de généralistes.

Crédit photo : Capture d’écran conférence de presse

Les conférences de presse de MG France sont rarement joyeuses. Celle du 23 octobre 2025 portant sur le budget de la Sécu (PLFSS 2026) n’a pas échappé à la règle. Mesure par mesure, les Drs Agnès Giannotti, présidente, et Jean-Christophe Nogrette, secrétaire adjoint du syndicat, ont expliqué par le menu pourquoi la copie du gouvernement n’est pas un cadeau, ni pour les médecins, ni pour les patients. « Bon anniversaire la Sécu ! », a raillé la Dr Giannotti en préambule, en référence aux 80 ans du système de santé français.

Premier gros morceau : les franchises « qui n’ont rien de franc » et qui ne « résoudront en rien les problèmes de financement du système » a lâché la généraliste parisienne. Le syndicat dénonce une « taxe de plus sur les malades » qui payent déjà de leur poche 20 milliards de reste à charge par an et une « mesure idéologique » pour les médecins, chargés de la collecte de la franchise en question si le texte budgétaire reste en l’état. « Pierre Laroque doit se retourner dans sa tombe », s’est désespéré la Dr Giannotti, invoquant l’esprit de l’un des pères de la Sécu.

Vers des soins « dégradés » pour les patients diabétiques

La tentative du gouvernement avec le soutien de la Cnam de réformer le dispositif ALD, qui concerne un Français sur cinq, déplaît tout autant à MG France. Selon le syndicat, un article du PLFSS qui entend « prévenir l’augmentation des ALD par la mise en place de prestations d’accompagnement préventif dédiées » confirme ce risque de basculer, « sous couvert de prévention », souffle la Dr Giannotti, dans des parcours de santé « dégradés ».

Concrètement, cet article ouvre la voie à la création d’un statut pré-ALD pour les pathologies chroniques à un stade peu avancé. « Le diabète sans complication et l’hypertension artérielle ainsi que l’obésité figurent parmi les pathologies qui pourront prioritairement relever de ce nouvel accompagnement », lit-on dans les annexes au texte budgétaire. Le gouvernement cible en particulier les personnes atteintes de diabète de type 2 et de niveau de sévérité 1 (patients sans insulinothérapie), soit 1,5 million de patients qui pourraient entrer dans ce nouveau statut, générant alors 473 millions d’euros d’économies. Une « très très mauvaise idée » pour MG France, qui refuse de près ou de loin de toucher aux critères d’inclusion dans les ALD.

« Venez voir comment on travaille ! »

L’alimentation du DMP rendu obligatoire et assorti d’un régime de sanctions allant jusqu’à 2 500 euros par manquement ? Le Dr Nogrette en sourit jaune dans sa barbe, la Dr Giannotti embraye : « Cette idée comme l’intégralité du PLFSS sont des usines à gaz ! Il faut arrêter les mesures imbéciles, que ceux qui ont imaginé ça viennent donc dans nos cabinets voir comment on travaille, et on en reparle ! » La médecin s’agace de voir la profession devenir le « bouc émissaire » d’un système qui ne marche pas car il n’a pas été conçu « par les généralistes pour les généralistes ». « C’est la double peine », lâche-t-elle.

Autre série de mesures qui irrite au plus au point les deux médecins : les dispositifs de contrôle et de sanctions en cas de fraudes ou en cas de prescriptions jugées excessives. « On nous traite comme des blanchisseurs d’argent qui ne valent pas mieux que des criminels, c’est insupportable ! », s’énerve la Dr Giannotti. Lassé d’être dans le viseur du gouvernement, MG France annonce avoir saisi l’Ordre des médecins (Cnom) pour « atteinte à l’indépendance de la profession ». « C’est vous dire à quel point le climat est loin d’être serein », a ironisé la généraliste.

« Avec un Ondam [dépenses de santé pour 2026, NLDR] à 0,9 % pour la ville, bien en dessous de l’inflation et impossible à respecter, il y aura l’année prochaine comme cette année le déclenchement d’un comité d’alerte, on ne peut pas y couper, a-t-elle prophétisé. On va dans le mur, c’est évident. À se demander parfois si ce n’est pas ce que cherche le gouvernement. »

Une « tentative de dérive gestionnaire » pour l’Ordre

Ce PLFSS représente « une tentative de dérive gestionnaire » et « marque un tournant alarmant pour l’équilibre du système de santé français », déplore le Cnom le 22 octobre. « Liberté de prescription, indépendance professionnelle, autonomie du diagnostic et de la décision, responsabilité clinique : ces fondements de l’exercice médical, garants d’un soin adapté à chaque patient, sont affaiblis », affirme-t-il. Les ordinaux regrettent aussi « la soudaineté des annonces, leur caractère unilatéral et la violence ressentie des mesures introduites (contrôles renforcés, sanctions, suspicion généralisée) […] ».


Source : lequotidiendumedecin.fr