Un nouveau traitement contre la trypanosomiase, ou maladie du sommeil, serait efficace à 95 % selon les résultats d'une étude publiée dans le « Lancet Infectious Diseases ». Il s'agit de l'acoziborole, produit de la collaboration entre le laboratoire Sanofi et l'initiative pour les traitements contre les maladies négligées (DNDi)*.
L'acoziborole bénéficie d'un schéma thérapeutique très simple, reposant sur une prise orale unique chez un patient à jeun, alors que des molécules plus anciennes nécessitent souvent une hospitalisation et du personnel de santé très spécialisé.
Ainsi, avec les options thérapeutiques actuelles, une ponction lombaire est nécessaire pour évaluer le stade de la pathologie. Chez les patients souffrant d'une forme précoce de la maladie, une injection intramusculaire quotidienne de pentamidine pendant 7 à 10 jours sous supervisation médicale, voire au cours d'une hospitalisation, est une option thérapeutique. Si la pathologie est plus avancée, une hospitalisation est nécessaire pour procéder à une injection quotidienne d'éflornithine pendant sept jours.
Les chercheurs ont recruté 208 patients dans 10 hôpitaux situés en République démocratique du Congo et en Guinée, dont 167 souffraient d'une forme avancée de la pathologie et 41 d'une forme précoce ou intermédiaire. Tous les participants ont reçu 960 mg d'acoziborole en une dose orale unique, puis ont été suivis pendant 18 mois : 95 % des patients ayant une pathologie avancée n'avaient plus de trypanosome détectable à la fin du suivi, de même que 100 % des patients ayant une forme précoce ou intermédiaire. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus avec le traitement de référence : l'association d'eflornithine en intraveineuse et de nifurtimox (en prise orale trois fois par jour pendant 60 jours).
Une progression constante
En 2019, le DNDi avait déjà développé la fexinidazole, un traitement oral de 10 jours, mais qui nécessitait toujours l'intervention de personnels de soins spécialisés pour prendre en charge les éventuels effets secondaires, et bien souvent une hospitalisation.
La trypanosomiase touche les pays d'Afrique subsaharienne et en particulier la République démocratique du Congo, où la forme causée par le parasite Trypanosoma brucei gambiense est majoritaire. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé comme objectif l'élimination de la transmission de la trypanosomiase d'ici à 2030. « Le nombre de nouveaux cas diminue régulièrement depuis plusieurs années », rappelle le Dr Victor Kande Betu Kumeso, ancien conseiller spécial du ministère de la Santé de la République démocratique du Congo pour les maladies tropicales négligées et premier auteur de l'étude. « L'acoziborole pourrait être un outil crucial pour atteindre le but de l'élimination », poursuit-il.
Absence de bras contrôle
L'étude présente toutefois une limite évidente : l'absence de bras contrôle. Un autre essai est en cours, randomisé et en double aveugle, comparant l'acoziborole à un placebo chez des patients ayant une trypanosomiase suspectée sur la base de données sérologiques mais non confirmée. Les chercheurs estiment en effet qu'il ne serait pas éthique de donner un placebo à des patients dont la pathologie est avérée.
« L'acoziborole rassemble toutes les qualités que l'on est en droit d'espérer d'un traitement contre la trypanosomiase, réagit dans un commentaire associé le Pr Jacques Pépin du département de microbiologie et de maladies infectieuses de l'université de Sherbrooke (Canada). Ce médicament est bien toléré, bien absorbé par voie orale, dispose d'une longue durée de vie et pénètre bien dans le système nerveux central. » Et de préciser : « Les puristes vous diront que ce médicament n'a pas été évalué suivant les standards actuels, de par l'absence de randomisation et le faible nombre de participants. »
Mais il sera difficile de faire autrement avec des cas avérés, compte tenu de la chute drastique du nombre actuel de malades et leur dispersion sur un très vaste territoire. « Il n'en demeure pas moins que l'acoziborole représente une avancée extraordinaire dans le traitement des maladies négligées », insiste le Pr Pépin.
Le nombre de nouveaux cas est en effet passé de 40 000 en 1998 (avec 300 000 cas non diagnostiqués évalués) à moins de 1 000 en 2020. La mise au point de nouveaux traitements reste d'actualité : les experts s'accordent pour dire que des épidémies ponctuelles vont continuer pendant encore longtemps.
*Avec un financement composite fourni par la fondation Bill et Melinda Gates, UK Aid, le ministère fédéra suisse de la recherche et de l'éducation, l'agence suisse pour le développement et la coopération, Médecins Sans Frontières, le ministère néerlandais des affaires étrangères, l'agence norvégienne pour le développement de la coopération, la fondation Stavros Niarchos, l'agence espagnole pour le développement de la coopération internationale et la fondation Banco Bilbao Vizcaya Argentaria.
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