Chez les patients diabétiques, les maladies cardiovasculaires, et notamment la coronaropathie, sont la première cause de mortalité : elle est deux à trois fois plus fréquente que dans la population générale. Faut-il pour autant la rechercher, en l’absence de symptômes ? « En dépit du risque élevé, il n’a jamais été montré qu’un dépistage systématique de la coronaropathie, comme on peut le faire avec les autres complications du diabète (rétinopathie, néphropathie), avait un quelconque intérêt. En effet, s’il existe des actions possibles pour freiner la progression d’une rétinopathie ou d’une néphropathie diabétique, cette stratégie n’est pas applicable à une coronaropathie dépistée précocement », souligne le Pr Louis Potier (hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP).
Plus de risques que de bénéfices
Toutes les études réalisées montrent qu’un dépistage systématique, par rapport à l’absence de dépistage, n’améliore pas la mortalité. De la même façon, la revascularisation coronaire de patients diabétiques asymptomatiques ne diminue pas leur mortalité. « Il n’y a donc pas de recommandation actuelle européenne en cardiologie, ni américaine en diabétologie, pour réaliser un dépistage de routine systématique (épreuve d’effort, scintigraphie myocardique…) chez les patients diabétiques asymptomatiques », insiste le Pr Potier.
Pourtant, dans la pratique, ces dépistages sont encore trop souvent réalisés, en dépit des hauts niveaux de preuve des études qui montrent que cela n’a aucun intérêt. Pourquoi ? « Plusieurs facteurs peuvent jouer : la force de l’habitude en est un. Le côté rassurant, tant pour le médecin et son patient, de se reposer sur un examen complémentaire normal, en est un autre, propose le Pr Potier. Cependant, un dépistage positif peut conduire à réaliser une coronarographie, qui n’est pas un geste anodin. » De plus, le patient peut être inquiété à tort si son examen se révèle positif et met une lésion en évidence alors qu’il ne se plaignait de rien. De même si, en raison de la présence de cette lésion pourtant asymptomatique, il est décidé de poser un stent, lequel va nécessiter une double anti-agrégation, avec un risque hémorragique qui n’est pas nul, et tout cela pour un bénéfice nul ! « C’est pourquoi, au total, il y a plus de risques à faire ces examens de dépistage qu’à ne rien faire et à traiter un patient diabétique asymptomatique », insiste le spécialiste.
Une stratégie pour les asymptomatiques
« Mieux vaut traiter efficacement nos patients diabétiques de façon globale, sur l’ensemble du risque cardiovasculaire, notamment en incluant précocement les nouvelles molécules de cardio-prévention qui ont fait la preuve de leur efficacité – inhibiteur de SGLT2 (iSGLT2) ou agoniste des récepteurs GLP-1 – comme recommandé par la HAS », souligne le Pr Potier.
Les objectifs de traitement doivent être adaptés au niveau de risque cardiovasculaire. En prévention primaire, l’aspirine est une autre option à discuter, au cas par cas. « Le niveau de risque s’évalue facilement avec des outils tels que le Score2-Diabetes de la Société européenne de cardiologie. C’est avec ce type de prise en charge globale que l’on arrivera à diminuer le risque cardiovasculaire, et non avec des dépistages inutiles et coûteux », poursuit le Pr Potier.
Dans le cas où le patient diabétique est symptomatique (avec un angor d’effort et/ou un essoufflement inhabituel d’origine potentiellement cardiaque, etc.), le problème est bien sûr différent : la réalisation d’un ECG, d’une épreuve d’effort, voire d’une coronarographie à la recherche de lésions, symptomatiques, à traiter, est alors pleinement justifiée.

Entretien avec le Pr Louis Potier (AP-HP, UnivParis Cité)
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