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Mieux évaluer les tumeurs hypophysaires

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Publié le 30/05/2025
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Il était nécessaire d’améliorer la classification des tumeurs de l’hypophyse pour personnaliser le suivi des patients au-delà de leur prise en charge initiale, en l’espaçant chez ceux avec un score de bon pronostic et en le renforçant chez les patients à risque plus élevé – d’autant que l’on compte encore trop de perdus de vue parmi ces derniers.

30 à 40 % des opérés garderont un résidu tumoral

30 à 40 % des opérés garderont un résidu tumoral
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les tumeurs hypophysaires sont majoritairement bénignes, mais pas forcément anodines. Certaines d’entre elles entraînent des problèmes sécrétoires (maladie de Cushing, acromégalie, prolactinome). D’autres, du fait de leur volume, compriment les structures voisines, entraînant des troubles visuels ou un déficit hypophysaire. Cela concerne environ un patient sur 1 000 : il s’agit généralement d’un micro-adénome (moins de 1 cm), moins souvent d’un macro-adénome (≥ 1 cm), le plus souvent opérés avec des suites simples. « Certains s’étendent localement vers le sinus caverneux, de sorte que 30 à 40 % des patients opérés garderont un résidu tumoral non opérable. Parmi ces tumeurs résiduelles, certaines vont rester stables, d’autres vont récidiver ou progresser, parfois très rapidement. La question qui se pose est donc de mieux repérer ces tumeurs les plus agressives, qui peuvent nécessiter une radiothérapie chez les 40 % de patients chez qui il reste un résidu tumoral, explique le Pr Gérald Raverot (centre de référence maladies rares de l’hypophyse, CHU Lyon). C’est à cette question cruciale que tente de répondre notre nouvelle proposition de score. »

Se pose, en parallèle, un problème de nomenclature : le terme d’adénome est inapproprié dans ces cas évolutifs. Celui de tumeur neuroendocrine de l’hypophyse est problématique aux États-Unis où il signifie « cancer », avec les problèmes d’assurance qui en découlent.

Un score qui inclut la clinique

Aujourd’hui, il existe bien des critères anatomopathologiques pour identifier les tumeurs susceptibles de progresser, mais en sont exclues d’office les tumeurs non opérées. « La nouvelle classification que nous proposons intègre un score reposant également sur des critères cliniques : en l’occurrence, la tumeur est-elle sécrétante ou non ? si oui, de quelle sécrétion s’agit-il ?, résume le Pr Raverot (lire encadré). Plus le score est élevé et moins le pronostic est bon. »

La notation en détail

• La tumeur est-elle sécrétante ? Un Cushing compte pour 2 points en raison des comorbidités qu’il entraîne ; la sécrétion d’hormones thyroïdiennes ou d’hormone de croissance pour 1 ; l’absence de sécrétion pour 0.

Le statut sécrétoire au moment de l’examen compte pour 1 s’il est élevé, 0 s’il est normal.

• Déficit hypophysaire : 0 point s’il n’y en a pas, 1 s’il est partiel mais sans déficit en hormone antidiurétique, 2 s’il s’accompagne d’un déficit en hormone antidiurétique.

• Taille de l’adénome : 0 si < 1 cm, 1 si la tumeur est comprise entre 1 et 4 cm, 2 en cas de tumeur géante au-delà de 4 cm

• Envahissement : la note va de 0 à 4.

• Tumeur résiduelle ou non : 0 s’il n’y en a pas, 1 s’il y en a.

• Type histopathologique : 1 s’il s’agit d’un sous-type à haut risque ou à prolifération accrue, 0 dans le cas contraire.

• Syndrome génétique : 0 s’il n’y en a pas, 1 s’il y en a.

Le score tient aussi compte du nombre de critères qu’il est possible de renseigner : par exemple, si le patient n’a pas été opéré, il ne peut y avoir le critère de tumeur résiduelle. Le score est calculé à partir d'un ratio du nombre d’items disponibles.

« Il s’agit d’un score évolutif car le résultat au moment du diagnostic n’est pas le même après traitement, ou en cas de prolifération avec apparition de nouveaux éléments (sécrétion, taille, compression, etc.). C’est d’ailleurs l’intérêt de ce score : il est applicable aux patients, opérés ou non, afin d’optimiser le traitement au cours de leur suivi, l’objectif étant que la prise en charge du patient permette à son score de se rapprocher le plus possible de 0 », précise le Pr Raverot.

Le calcul est évolutif et applicable à tous les patients

Pr Gérald Raverot

Une évaluation encore à réaliser

Il reste désormais à valider ce score par des études cliniques prospectives ou rétrospectives et vérifier si chacun des items est utile ou non. Il faudrait aussi établir des seuils de gravité avec les conduites à tenir et ce, grâce à des études multicentriques internationales. « Nous coordonnons déjà une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) dédiée aux tumeurs hypophysaires agressives et aux rarissimes carcinomes hypophysaires, susceptibles de développer des métastases plusieurs années après, dans le LCR, le cerveau, le foie, l’os (on en diagnostique deux nouveaux cas par an en moyenne en France). Elle pourrait nous servir de première base de données, à compléter avec d’autres en Europe », note le Pr Raverot.

Entretien avec le Pr Gérald Raverot (Centre de référence maladies rares hypophysaires, CHU Lyon)
Ken K Y Ho et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2024 Mar;12(3):209-14
Revarot G et al. Nat Rev Endocrinol. 2021 Nov;17(11):671-84
Raverot G et al. Eur J Endocrinol. 2018 Jan;178(1):G1-G24
Trouillas J et al. Acta Neuropathol. 2013 Jul;126(1):123-35

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Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin