Et si les hormones sexuelles jouaient un rôle crucial, y compris dans des cancers non hormono-dépendants comme le cancer gastrique, le mélanome ou le cancer de la thyroïde ? C’est ce que démontrent des travaux d’une équipe de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS publiés dans Nature le 11 juin.
« Empiriquement, les dermatologues constataient déjà une incidence plus élevée de mélanomes chez les jeunes femmes, notamment après la grossesse. Nous avons cherché à comprendre scientifiquement ce phénomène », explique Lionel Larue, directeur de recherche à l’Inserm, chef d’équipe à l’Institut Curie et co-dernier auteur de l’étude.
Une boucle moléculaire pro-métastatique
Les chercheurs français ont identifié une voie de signalisation jusque-là inconnue, strictement dépendante de l’environnement hormonal féminin. Cette boucle de régulation implique différents acteurs moléculaires clés dont ESR1 (le récepteur aux œstrogènes) qui induit le récepteur GRPR (pour gastrin-releasing peptide receptor), lui-même activant la voie pro-métastatique YAP-1. Cette voie réprime la molécule d’adhésion cellule-cellule dite E-cadhérine (ECAD), ce qui facilite la progression tumorale. La boucle s’auto-entretient par l’induction de la transcription de ESR1 après la réduction du niveau de ECAD. Le processus est ainsi particulièrement actif chez les femmes, puisqu’il dépend de l’activation du récepteur ESR1 par les œstrogènes.
Ce phénomène favorise ainsi la croissance des tumeurs, la migration et l’invasion des cellules tumorales, ainsi que leur résistance à l’anoïkis – un processus de mort cellulaire normalement impliqué dans la prévention de la dissémination métastatique, résume un communiqué de l’institut Curie.
« Mieux comprendre l’impact du sexe et de l’âge sur le développement de certains cancers est essentiel pour faire progresser la médecine de précision. Ce travail jette les bases d’approches thérapeutiques innovantes, prévalentes aux femmes, et ouvre des perspectives cliniques concrètes », commente Lionel Larue, directeur de recherche à l’Inserm.
Une cible thérapeutique à mieux exploiter
Les chercheurs suggèrent ainsi que des thérapies combinatoires anti-œstrogéniques pourraient constituer une approche pertinente dans le traitement des mélanomes, et d’autres cancers, présentant cette boucle métastatique. En effet, GRPR appartient à la famille des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG), qui représentent 35 % des cibles des médicaments actuellement approuvés, mais restent sous-exploités en oncologie. Or en administrant des antagonistes spécifiques de GRPR dans des modèles précliniques, les chercheurs ont observé une réduction significative de la formation de métastases. Avec l’espoir, de surcroît, d’améliorer la qualité de vie des patientes, car GRPR joue un rôle dans la perception de la douleur.
Ces travaux offrent donc de nouvelles perspectives pour réorienter des médicaments existants vers une utilisation en oncologie et invitent à mieux intégrer les facteurs hormonaux et biologiques dans la prévention, le diagnostic et le traitement.
D’après un communiqué de l’Institut Curie
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024