SI VOUS tapez « phéromones » sur internet, vous allez recueillir des milliers d’annonces, vantant essentiellement le pouvoir d’attraction sexuelle d’un produit mystérieux.
Mais, qu’est-ce qu’une phéromone ? C’est une substance qui, sécrétée par un individu émetteur, est perçue par un individu récepteur de la même espèce, chez lequel elle provoque une réaction stéréotypée. L’exemple le plus connu est celui du papillon de nuit mâle qui est attiré à plusieurs kilomètres par la femelle. Dès qu’il l’a détectée, il ne fait plus qu’une chose : voler vers elle. Un tel comportement exclusif est inconnu chez l’homme, chez qui l’on ne peut mesurer que des préférences et des tendances, quelquefois significatives, mais pas de réponses à 100 %. Pas de philtre d’amour, donc (ni de parfum attractif au point que le porteur soit dévoré par ses semblables, comme à la fin du « Parfum » de Patrick Süskind).
Second lieu commun : l’organe voméronasal (un organe pair, tubulaire et ouvert seulement vers l’avant, situé de part et d’autre de la base du vomer dans la cavité nasale) serait l’organe de perception des phéromones chez les vertébrés. S’il joue au moins partiellement ce rôle chez les rongeurs et les cervidés, il n’en est pas de même chez les serpents, où il sert à sentir la trace des proies au sol. A contrario, l’androsténone, phéromone émise par le verrat et qui provoque le réflexe de lordose pré-copulatoire chez la truie, est perçue par le système olfactif principal.
L’organe voméronasal.
Enfin, l’homme est dépourvu d’organe voméronasal (il est au mieux vestigial chez certains individus) et de gènes des récepteurs voméronasaux.
Pourtant, dès les années 1980, l’équipe de Martha McClintock a popularisé les « phéromones humaines » en montrant une influence statistique des odeurs corporelles de femmes sur la durée du cycle menstruel. Les odeurs collectées au moment de l’ovulation augmentent d’environ 1,5 jour la durée du cycle, tandis que les odeurs de la phase folliculaire la raccourcissent de la même durée (toutefois avec des barres d’erreur de ± 0,5 à 1 jour, ce qui a prêté à controverses). Mais, dans les années 2000, cette même équipe ne parle plus que « d’odeurs corporelles », bien que s’accumulent les preuves – mais jamais à 100 % - que des composés volatils corporels ont une influence sur des paramètres sexuels. Par exemple, sentir des T-shirts portés par des femmes ovulantes augmente le niveau de testostérone chez les hommes. On rapporte également que, entre deux chaises dont l’une seulement est odorisée avec de faibles doses d’androsténone, certaines femmes préfèrent s’asseoir sur la chaise odorisée. Mais Bettina Pause rapporte que cette préférence est corrélée à une plus grande sensibilité de ces femmes à l’androsténone, ce qui justifierait l’attraction.
Les odeurs corporelles résultent de la dégradation des sécrétions axillaires par la flore bactérienne, les hommes sécrétant de 30 à 50 fois plus d’androgènes que les femmes. L’androstanedione est transformée par les bactéries en androsténone qui évoque une odeur d’urine. Les femmes perçoivent l’androsténone à des doses beaucoup plus faibles que les hommes, mais c’est vrai aussi pour des odeurs non reliées au sexe. De plus, l’androsténone, perçue comme désagréable, ou « animale », est accueillie plus positivement au moment de l’ovulation. Mais il s’agit sans doute d’un effet plus général car les visages masculins sont également mieux appréciés à ce moment-là. On n’observe pas de tels phénomènes chez les femmes prenant des contraceptifs.
Les odeurs familières.
Les odeurs corporelles sont également reliées au génotype. Comme toutes les odeurs familières, celles de personnes au génotype proche sont traitées plus vite que celles de génotype éloigné. Que ces odeurs participent au choix du partenaire sexuel chez les rongeurs est démontré : un mâle choisit la femelle la plus éloignée génétiquement sur le seul critère olfactif. Bien que quelques études, notamment sur les communautés Hutterites états-uniennes, suggèrent que les couples humains s’apparient en respectant la plus grande distance génétique possible, il est difficile de conclure que ces choix sont en partie fondés sur « l’odeur de l’autre ».
Alors, phéromones ou pas ? Il existe incontestablement une sensibilité aux odeurs sexuelles : l’équipe de Ivanka Savic démontre une activation directe de l’hypothalamus chez les femmes inhalant de l’androstadiénone. Mais cet effet dépend beaucoup du contexte : Mats Olsson rapporte que l’androstadiénone peut améliorer l’humeur et l’attention des femmes seulement si c’est un expérimentateur mâle qui délivre le produit.
Car le contexte physiologique et psychologique, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, sociologique, joue un rôle important dans le choix du partenaire. Ce qui n’est pas étonnant vu la multiplicité des signaux que l’espèce humaine intègre dans son comportement sexuel. Alors, jusqu’à nouvel ordre, pas de phéromones humaines.
L’Homme n’est donc pas un papillon de nuit, même si l’on dit que certains se font mener par le bout du nez !
INRA, unité neurobiologie de l’olfaction et modélisation en imagerie (NOeMI), Jouy-en-Josas.
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points