Selon une étude épidémiologique française, l'exposition à un mélange de perturbateurs endocriniens in utero est associée à des troubles du comportement chez l'enfant à deux ans. Ce travail, décrit dans « Environment International », a été coordonné par l’Institut pour l’avancée des biosciences à Grenoble (Inserm, CNRS et Université Grenoble Alpes) en collaboration avec le CHU Grenoble Alpes et l’institut de santé publique de Norvège.
Au total, 416 paires mère-enfant issues de la cohorte Inserm Sepages* ont été incluses entre 2014 et 2017. L'exposition à différents perturbateurs endocriniens - phénols, phtalates et DINCH (un substitut de certains phtalates) - a été évaluée via des échantillons d'urine, permettant de doser les métabolites de ces polluants. « Nous avons demandé aux femmes de recueillir trois échantillons d'urine par jour pendant une semaine aux deuxième et troisième trimestres de grossesse, détaille Claire Philippat, chercheuse Inserm. Ces échantillons répétés permettent d'éviter l'erreur de mesures faite quand on utilise qu'un seul échantillon d'urine, car les niveaux d'exposition sont très variables au cours du temps. » Une quarantaine d'échantillons par femme ont ainsi pu être analysés.
Étudier l'effet global et l'effet individuel des polluants
« Notre étude n'est pas la première à montrer un lien entre exposition prénatale aux phénols et aux phtalates et comportement de l'enfant. Mais alors que la plupart des études se sont intéressées à l'effet individuel de chaque polluant, nous avons utilisé un modèle statistique qui nous a permis d'évaluer à la fois l'effet global du mélange et l'effet de chaque polluant. C'est l'un des points forts de notre étude », souligne la chercheuse. La plupart des composés étudiés ont été détectés dans 79 à 99 % des échantillons d’urine.
Aux deux ans de l'enfant, les parents ont été invités à remplir un questionnaire standardisé et validé au niveau international visant à évaluer son comportement (Child Behaviour Checklist). Deux scores globaux issus de ce test ont été pris en compte dans l'étude, l'un portant sur les comportements internalisés comme l'anxiété, la dépression ou le retrait relationnel et le second sur les comportements externalisés tels que l'inattention ou l'agressivité ; des scores élevés sont associés à des troubles du comportement.
Un suivi jusqu'aux sept ans de l'enfant, avec des mesures objectives
« Les principaux contributeurs à des scores élevés pour les comportements internalisés sont plutôt les phtalates, et pour les scores de comportements externalisés, ce sont plutôt les phénols, notamment le bisphénol A et le triclosan, un biocide utilisé dans certains produits de soins et dans les textiles », résume la chercheuse. Les associations ont surtout été retrouvées chez les filles, mais « la taille de notre population est relativement faible, il peut y avoir problème de puissance qui fait que l'effet chez les garçons est moins ressorti », nuance-t-elle.
Un suivi de plus long terme est prévu : des données à trois ans et cinq ans sont en cours d'analyse, et un suivi à sept ans devrait démarrer en 2022. « L'idée est à la fois de répéter le questionnaire pour avoir des données longitudinales, mais aussi d'avoir des mesures objectives, notamment des tests sur tablette ou ordinateur qui impliqueraient l'enfant », explique Claire Philippat, précisant que d'autres aspects du neurodéveloppement, notamment les fonctions cognitives ou le langage, seront aussi évalués. « Ce suivi va être important pour voir si, quand les enfants grandissent, ces effets sur le comportement et les différences entre sexes se maintiennent », estime la chercheuse.
* Suivi de l’exposition à la pollution atmosphérique durant la grossesse et effet sur la santé
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024