Après avoir publié une fiche avec 10 messages courts pour les hypothyroïdies en 2019 et une autre sur la pertinence des examens d'imagerie en 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) complète ses recommandations dans les dysthyroïdies.
Deux recommandations de bonnes pratiques - l'une sur l'hypothyroïdie et l'autre sur l'hyperthyroïdie -, deux fiches de synthèse et six arbres décisionnels sont mis à disposition des médecins pour la prise en charge en population générale et dans des cibles plus particulières, la personne âgée et la femme enceinte ou en désir de grossesse.
Les hypo- et hyperthyroïdies, bien que fréquentes, n'ont pas toujours une prise en charge et un suivi optimaux. En 2018, la Direction générale de la santé (DGS) avait saisi l'agence en raison de plusieurs constats : « une surprescription de spécialités à base de lévothyroxine, une fréquence élevée du recours aux thyroïdectomies pour hyperthyroïdie, une hétérogénéité dans la prise en charge initiale des hyperthyroïdies et des non-conformités dans les explorations thyroïdiennes », a listé la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS en conférence de presse le 14 mars.
Quand adresser vers un spécialiste ?
Pour l'hypothyroïdie, la maladie thyroïdienne la plus fréquente qui touche 1 à 2 % de la population française, « le médecin généraliste peut assurer le suivi des hypothyroïdies frustes ou avérées », met en avant la présidente de l'agence, ajoutant « qu'il doit orienter vers le spécialiste en cas d'antécédent cardiovasculaire, de nodule palpable, de TSH instable ou de projet de grossesse ».
Pour l'hyperthyroïdie, la prise en charge relève en revanche du domaine spécialisé, pour la consultation initiale « pour conforter le diagnostic étiologique et la conduite à tenir », mais aussi à l'arrêt du traitement, sachant que « la moitié des patients ayant une maladie de Basedow rechute », précise le Pr Jean-Michel Petit, endocrinologue au CHU de Dijon et président du groupe de travail.
Dans tous les cas, le choix thérapeutique s'inscrit dans « une décision médicale partagée », insiste la Pr Le Guludec. « Le point d'équilibre hormonal varie d'une personne à l'autre, abonde Béate Bartès, présidente de Vivre sans thyroïde, l'une des trois associations ayant participé au groupe de travail. Un symptôme peut être banal pour certains, handicapant pour d'autres. »
Dosage de la TSH et ordonnance « en cascade »
La démarche diagnostique repose sur le dosage de la TSH, qui est suffisant pour éliminer une dysthyroïdie en cas de normalité. « Si la TSH est élevée, un dosage de T4 libre (T4L) est indiqué selon un procédé en cascade, poursuit le Pr Petit. Il est recommandé d'inscrire pour le biologiste sur une seule et même ordonnance de pratiquer un dosage de T4L si TSH anormale, afin d'avoir le résultat sur le même prélèvement sanguin et d'éviter de repiquer le patient. » Le dosage des anti-TPO n'est pas nécessaire pour le diagnostic d'hypothyroïdie mais peut être utile pour rechercher une origine auto-immune (maladie de Hashimoto), ce que le médecin peut demander pour comprendre l'origine d'une hypothyroïdie confirmée.
Si le traitement par lévothyroxine est systématique en cas d'hypothyroïdie avérée, il ne l'est pas en cas d'hypothyroïdie fruste. « L'intérêt du traitement est à considérer selon l'intensité des symptômes », est-il indiqué, sachant que cette attitude est justifiée pour une TSH > 10 mUI/l avec T4L normale ou pour une TSH comprise entre 4 et 10 mUI/l et une T4L normale en cas de certains critères (notamment signes cliniques d'hypothyroïdie, anticorps anti-TPO, goitre, antécédents ou facteurs de risque cardiovasculaires). En cas de symptômes, « un traitement de trois mois peut être tenté pour voir s'il y a une amélioration », ajoute le Pr Petit. Aucun examen d'imagerie n'est nécessaire dans l'hypothyroïdie.
Tenir compte du vieillissement physiologique
Après 65 ans, il s'agit de distinguer le vieillissement physiologique d'une éventuelle pathologie thyroïdienne. « Il n'y a pas lieu de faire du dépistage systématique », indique l'endocrinologue. Le dosage de la TSH n'est recommandé que s'il existe des symptômes évocateurs d'hypothyroïdie, des troubles neurocognitifs récents ou inexpliqués ou encore des antécédents cardiovasculaires (en particulier traitement par amiodarone). « La référence de la TSH évolue selon l'âge, explique le spécialiste. Il est recommandé de prendre le chiffre de la dizaine d'âge : 6 mUI/l entre 60 et 69 ans, 7 entre 70 et 79 ans et 8 entre 80 et 89 ans », indique-t-il, sachant qu'un traitement est mis en place pour une valeur > 20 mUI/l et qu'entre 10 et 20 mUI/l, il est discuté au cas par cas (symptômes, facteurs de risque).
Augmenter la lévothyroxine dès le début de grossesse
Pour la femme enceinte, les besoins en hormones thyroïdiennes augmentent de 30 à 50 %. « Il faut informer la patiente ayant une hypothyroïdie connue d'augmenter elle-même sa dose de 20 à 30 % de lévothyroxine en attendant la consultation », souligne le Pr Petit. En pratique, si elle n'a pas d'ordonnance préétablie par le médecin, la patiente peut prendre deux doses quotidiennes de plus par semaine, soit neuf comprimés au lieu de sept (par exemple deux comprimés les lundis et jeudis et un comprimé les autres jours), lit-on.
Par ailleurs, un dosage de la TSH est indiqué en période préconceptionnelle ou en début de grossesse chez les femmes ayant un risque accru d'hypothyroïdie (antécédents familiaux, maladie auto-immune) ou rencontrant des difficultés de procréation (infertilité, fausses couches, procréation médicalement assistée).
La chirurgie en dernier recours dans les hyperthyroïdies
Pour ce qui est de l'hyperthyroïdie (0,4 % de la population), la confirmation du diagnostic repose sur la seule TSH. « D'autres examens biologiques peuvent être effectués en cascade lorsque le résultat de la TSH est anormal pour compléter le diagnostic », lit-on. Alors qu'une hyperthyroïdie est la conséquence d'une maladie de Basedow dans 70 % des cas, le dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH est indiqué : si le résultat est positif, aucun autre examen n'est nécessaire. Si le résultat est négatif, le bilan est à compléter par une échographie et une scintigraphie à la recherche de nodules hyperfixants (« nodules toxiques »).
Le traitement n'est pas systématique et l'initiation dépend de l'intensité de l'hyperthyroïdie, du contexte clinique et de la préférence du patient. Le traitement en première intention repose sur les antithyroïdiens de synthèse (ATS) afin de restaurer un fonctionnement normal. Ensuite, entre poursuite des ATS, iode radioactif ou chirurgie, le choix se fera « en fonction du contexte clinique et du patient », lit-on. Si c'est une maladie de Basedow, les ATS pourront être poursuivis. « En cas de nodules sécrétant des hormones thyroïdiennes (goitre multinodulaire toxique ou adénome toxique), le traitement de première intention est l'irathérapie », est-il recommandé. Quant à la chirurgie, elle ne doit être pratiquée « qu'en dernier recours et qu'en présence d'un goitre volumineux compressif ou en cas de suspicion de malignité ou si un traitement radical par irathérapie n'est pas adapté », est-il souligné.
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points