Rein, cœur, foie et maintenant poumon. La xénogreffe, qui consiste à greffer un organe d’une autre espèce animale, connaît un nouvel essor depuis quelques années avec les progrès en génétique et en immunologie. Un pas supplémentaire vient d’être franchi avec la première xénotransplantation de poumon prélevé sur un porc génétiquement modifié chez un patient de 39 ans en état de mort encéphalique. Le greffon est resté viable et fonctionnel pendant neuf jours (216 heures) sans signe de rejet hyperaigu ni d’infection. Cette chirurgie inédite, dont les résultats sont publiés dans Nature Medicine, a été réalisée en Chine à l’hôpital universitaire de Guangzhou.
Les récentes avancées de la xénogreffe de cœur et surtout de rein aux États-Unis montrent la faisabilité et les potentialités du recours à cette technique. La Chine, qui se lance aussi dans l’aventure, a publié récemment les résultats de la première xénogreffe de foie. La France, à la pointe en recherche sur le volet immunologie en transplantation, se cherche un chemin.
La recherche pour le poumon, un domaine qui reste sous-exploré, fait face à des défis spécifiques par rapport aux autres organes solides, en raison de ses particularités physiologiques et anatomiques. « Contrairement aux reins et aux cœurs, le flux sanguin élevé et l’exposition à l’air externe au poumon le rendent particulièrement sensible aux agressions immunitaires et aux dégâts tissulaires d’ischémie-reperfusion, entraînant ensuite une dysfonction primaire pulmonaire et un échec accéléré de la greffe », expliquent les auteurs. Ainsi, dans les études précliniques, il est apparu que « la dysfonction primaire du greffon est sévère de manière disproportionnée pour la xénotransplantation pulmonaire par rapport aux autres organes », rapporte l’équipe. Ici, ce premier patient, qui était victime d’une hémorragie cérébrale avec engagement, a été greffé d’un rein de porc modifié pour six gènes d’intérêt, après exérèse du poumon gauche, gardant en place le droit.
Un traitement immunosuppresseur très robuste mais pas encore optimal
Après des premières données chez le primate non humain, cette étude chinoise apporte ainsi des enseignements importants pour améliorer les résultats de la xénogreffe. Certes, le rejet hyperaigu a pu être évité, comme le montre l’absence d’hémorragie parenchymateuse et de réponse systémique inflammatoire sévère. Mais, dès les vingt-quatre premières heures postopératoires, les chercheurs ont observé un œdème pulmonaire grave, « potentiellement dû au syndrome d’ischémie-reperfusion », ainsi qu’une réponse inflammatoire précoce localisée (cytokines, infiltration de macrophages), lit-on dans l’article.
Comme l’avaient montré des études précédentes, le rejet humoral via les anticorps se met en place rapidement, qui a entraîné une dysfonction primaire observée à J3 et J6, avec une récupération partielle à J9. Le traitement immunosuppresseur était robuste, associant des immunoglobulines de lapin anti-thymocytes humains, du basiliximab, du rituximab, de l’éculizumab, du tofacitinib, du tacrolimus et du mycophénolate mofétil, ainsi que des corticostéroïdes.
Malgré cela et malgré la modification de six gènes d’intérêt (extinction de gènes antigéniques, incorporation de gènes immunorégulateurs), la réponse humorale était « plus robuste » et « plus précoce » que celle observée dans les modèles précliniques. Quant au risque infectieux, particulièrement élevé dans ce cas de figure, aucun signe d’infection active n’a été observé en post-transplantation, les auteurs soulignant que le cochon donneur avait été testé plusieurs fois négatif à un virus porcin (PERV-C).
Pour dépasser les évènements sévères survenus en phase aiguë, des pistes de recherche se dégagent : la prévention du syndrome d’ischémie-reperfusion mais aussi l’optimisation de l’immunosuppression. Outre l’amélioration des modifications génétiques, les auteurs avancent aussi l’intérêt de tester des molécules anticoagulantes et/ou anti-inflammatoires pour mieux contrôler la réponse immunitaire observée dans le greffon pulmonaire.
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