Pendant le confinement lié à la pandémie Covid-19, le taux d'arrêts cardiaques a doublé en région parisienne par rapport aux années précédentes. C'est ce que met en évidence une étude INSERM/Université de Paris menée en collaboration la brigade des sapeurs-pompiers de la capitale et parue dans « The Lancet Public Health » (1).
« Notre étude montre les effets indirects du Covid-19 qui sont sans doute plus importants encore que ses effets directs », indique au « Quotidien » le Dr Éloi Marijon, cardiologue au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris et premier auteur.
Un pic transitoire
Les chercheurs se sont appuyés sur le registre du Centre d'expertise mort subite pour comparer la période de confinement allant du 16 mars au 26 avril 2020 à la même période des années précédentes (de 2012 à 2019).
Mis en place en mai 2011, ce registre francilien collecte, de façon systématique et quasiment en temps réel, tous les arrêts cardiaques extrahospitaliers non traumatiques survenus dans Paris et sa petite couronne (départements 92, 93 et 94).
Au total, 521 arrêts cardiaques ont été recensés. Le statut Covid a été renseigné pour 299 des patients, parmi lesquels 17 avaient un Covid suspecté et 25 un Covid confirmé. Et alors que le taux d'arrêts cardiaques était stable entre 2012 et 2019, avec un taux hebdomadaire maximal d'arrêts cardiaques de 13,42 par million d'habitants, ce taux a doublé en 2020, atteignant 26,64 lors des semaines 13 et 14 (période du 23 mars au 5 avril). « Nous avons constaté un pic transitoire important pendant les trois premières semaines de confinement avant un retour à la normale », résume le Dr Marijon.
Saturation du système de santé
Si l'étude ne permet pas de donner d'explication à ce constat, les auteurs ont émis plusieurs hypothèses. « L'infection Covid pourrait être associée à un surrisque d'arrêts cardiaques que ce soit par atteinte pulmonaire avec détresse respiratoire aiguë, par atteinte cardiaque ou éventuellement à cause du traitement par hydroxychloroquine et azithromycine qui a pu entraîner des troubles du rythme ventriculaire », détaille le Dr Marijon. Une piste physiopathologique est aussi envisagée : « le Covid est associé à une hypercoagulabilité veineuse et artérielle majeure, pouvant entraîner un risque d'embolie pulmonaire, voire de thrombose artérielle et de syndrome coronarien aigu », poursuit le cardiologue.
Toutefois, les auteurs ont estimé qu'un tiers seulement des arrêts cardiaques supplémentaires survenus au cours du confinement concernaient des patients ayant un Covid-19 suspecté ou confirmé. Dès lors, comment expliquer les deux tiers restants ? La saturation du système de santé a sans doute joué un rôle dans cette zone de forte épidémie. « Nous avons tous été submergés. Mes patients insuffisants cardiaques et coronariens ont eu clairement une rupture de suivi au début du confinement avant la mise en place de la téléconsultation », témoigne le cardiologue, précisant qu'ensuite les choses se sont améliorées.
Un impact sur la survie
En cette période de tension, les patients ont dû faire face à la problématique de la régulation des premiers secours. Et certains ont pu aussi avoir des réticences à être hospitalisés par crainte d'être confrontés à des personnes infectées ou par souci de ne pas engorger davantage des services déjà surchargés. « Des patients sont donc restés à domicile alors qu'ils auraient dû être pris en charge précocement », déplore le Dr Marijon.
De fait, le confinement a aussi eu un impact négatif en termes de survie des patients. Durant les six semaines étudiées, 12,8 % des patients seulement étaient vivants à l'admission. Les années précédentes, sur la même période, ils étaient 22,8 %.
« La majorité des arrêts cardiaques sont survenus à domicile durant le confinement. Or, dans ce cas, plusieurs facteurs sont associés à un mauvais pronostic, comme un moindre accès à la fibrillation et le fait que les membres de la famille sont moins enclins à initier un massage cardiaque », note le cardiologue, soulignant l'importance de la pratique du massage cardiaque.
De plus, les premiers secours arrivaient dans un délai un peu plus long qu'habituellement : 10,4 contre 9,4 minutes. Cette différence d'une minute correspond probablement au temps nécessaire pour s'habiller avec les équipements de protection recommandés en cas de suspicion de Covid-19, avance le Dr Marijon. L'absence de trafic routier durant cette période n'a en revanche pas eu d'effet.
« En cas de deuxième vague, il ne faudra pas négliger les patients qui ont besoin d'un suivi régulier, à l'aide des téléconsultations notamment, dont tout le monde a désormais compris l'intérêt », estime le cardiologue.
(1) E. Marijon et al., Lancet Public Health, doi: 10.1016/S2468-2667(20)30117-1, 2020.
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