La loi Evin a été imaginée et votée dans un contexte social et politique encore peu propice à la santé publique. La dernière loi en matière de lutte contre le tabagisme était alors la loi Veil de 1976 qui a introduit une réglementation de la publicité des produits du tabac et imposé l'apposition du fameux message « abus dangereux ».
« Entre 1985 et 1987, un débat a émergé concernant l'autorisation de la publicité pour l'alcool à la télévision », raconte le Pr François Bourdillon, ancien président de l'agence Santé publique France. Ce débat s'invite à l'élection présidentielle de 1988. Après la réélection de François Mitterand, son premier ministre Michel Rocard fait inscrire la lutte contre le tabagisme sur la liste des priorités de santé et nomme Claude Evin ministre de la Santé.
Les « cinq sages »
Ce dernier fait alors appel à ceux que l'histoire retiendra sous le nom des « cinq sages », cinq professeurs de médecine chargés d'un rapport qui fera date : le pneumologue Albert Hirsch, le spécialiste en anatomie Claude Got, le cancérologue Maurice Tubiana et les professeurs de santé publique Gérard Dubois et François Grémy.
En trois mois, ils produisent le rapport intitulé « L'action politique dans le domaine de la santé publique et de la prévention », dont ils assureront la promotion dans la presse, conscients que les blocages politiques peuvent être abattus avec le soutien de l'opinion publique. Selon des sondages demandés par « Le Monde » et « La Croix », 80 % des Français étaient en faveur de la limitation de la publicité pour la cigarette, 60 % en faveur de son interdiction et 56 % en faveur d'une augmentation du prix du tabac.
Le projet de loi n'est pourtant pas populaire. « C'est une loi à haut risque car elle touche aux revenus de la télévision et de la presse et au portefeuille de Français, poursuit le Pr Bourdillon. À l'Assemblée, la loi est qualifiée de liberticide et hygiéniste ». Claude Evin gagnera tous ses arbitrages : présentée au Conseil des ministres le 28 mars 1990, la loi sera votée le 10 janvier 1991. La suite appartient à l'histoire.
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