C’est une série d’avancées qui devront maintenant se traduire sur le terrain. Le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi (PPL) visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé, au terme d’un long parcours législatif qui s’est étendu sur 2024 et 2025 répondant notamment à la recrudescence des violences à l’encontre des soignants.
Le contexte est connu : les données récoltées, même parcellaires, permettent d’appréhender le fléau des violences en santé. Avec 20 961 signalements, l’année 2024 apparaît en hausse de 6,6 % par rapport à 2023, ce qui peut traduire à la fois une hausse des violences (physiques, verbales) mais aussi des progrès dans la systématisation de leur signalement. Pour ce qui concerne les seuls médecins, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, 2023, démontre, sous les mêmes réserves, une hausse de 27 % des signalements, avec 1 581 actes de violence signalés.
Dans ce climat lourd, Yannick Neuder a salué mercredi devant les députés l’adoption finale d’un texte « tant attendu », qui couronne le travail préparatoire de l’ex-député rapporteur (Horizons) Philippe Pradal et de l’ancienne ministre des Professions de santé Agnès Firmin Le Bodo (aujourd’hui députée), à l’initiative d’un plan national pour la sécurité des blouses blanches dès septembre 2023 (dont ce texte reprend la partie législative). « L’adoption de ce texte traduit un refus catégorique de toute banalisation, il n’y a pas de violence ordinaire, a résumé le ministre Yannick Neuder. Chaque jour, 65 professionnels de santé sont agressés. Ceci n'est pas acceptable (…) Nous adressons aussi un message fort à tous les agresseurs ». « Nous ne pouvons pas à accepter que des soignants se rendent traumatisés au travail la boule au ventre », a aussi souligné Agnès Firmin Le Bodo.
LFI vote… contre le durcissement de la réponse pénale
La version finale issue de l’accord en commission mixte paritaire a donc été adoptée par l'Assemblée mercredi avec 135 voix pour et 27 contre. Seuls les députés de La France insoumise (LFI) se sont opposés au texte, contre lequel ils avaient déposé une motion de rejet préalable, facilement écartée. « Aucune étude ne démontre un lien entre la sévérité des peines et la diminution des actes violents ou délictueux, bien au contraire », a argué la députée insoumise Marie Mesmeur, qualifiant le texte d’« écran de fumée ». Cette motion de rejet de LFI a provoqué la colère du Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, dénonçant dans une vidéo une « insulte » et un comportement de députés « minables » et une action « dégueulasse ».
Pour prévenir les violences, le texte comporte plusieurs catégories de mesures.
Les premiers articles renforcent ou étendent les sanctions pénales encourues pour des faits de violence, de vol, de menace et agression sexuelle mais aussi pour « délit d’outrage élargi » – c’est nouveau – commis dans les locaux des établissements de santé ou à l’encontre des personnels (médicaux mais aussi non-médicaux) de ces établissements. Sont désormais concernés les faits commis au sein d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral, d’une officine de pharmacie, d’un prestataire de santé à domicile, d’un laboratoire de biologie médicale, d’un établissement ou d’un service social ou médico-social.
Les sanctions pourraient atteindre dans certains cas jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. « L'ensemble des professionnels de santé sont ainsi traités selon le même régime que les personnes chargées d'une mission de service public », s'est félicitée la rapporteure du texte Agnès Firmin Le Bodo (Horizons), n’y voyant « que justice ».
De trop nombreux soignants hésitent à porter plainte par peur des représailles
Agnès Firmin le Bodo
Les articles suivants visent à faciliter le dépôt de plainte en cas de violence à l’encontre d’un professionnel de santé, en autorisant son employeur (hôpital, clinique, Ehpad, pharmacie, etc.) à déposer plainte pour le compte de la victime. « De trop nombreux soignants hésitent à porter plainte par peur des représailles, a fait valoir Agnès Firmin Le Bodo. Il s'agit d'une mesure essentielle qui, je l'espère, permettra de multiplier les poursuites pénales à l'encontre des agresseurs. »
Pour l’application aux professionnels de santé libéraux, un décret spécifique précisera les modalités selon lesquelles les Ordres professionnels ou les unions régionales de professionnels de santé (URPS) peuvent porter plainte pour le compte des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes ou pédicures-podologues qui en font expressément la demande. « Le dépôt de plainte doit devenir un réflexe », a insisté Yannick Neuder, qui a réaffirmé en conclusion son engagement de tolérance zéro.
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