Élaboration dès 2025 par la HAS d'un référentiel sur le dépistage, l'orientation et l’accompagnement des victimes de soumission chimique par les professionnels de santé, assorti de « fiches réflexes » sur la conduite à tenir, formation de tous les étudiants, meilleure prévention, accompagnement accru des victimes : autant de mesures préconisées par un rapport parlementaire remis ce lundi 12 mai 2025 au gouvernement.
« L’idée est de travailler à ce que les médecins aient davantage ce réflexe en tête et des idées diagnostiques plus claires sur les problèmes de détournement de médicament. Parce que la soumission chimique ne se fait pas qu’avec le GHB, loin de là. Ce sont quand même des médicaments de la pharmacie des gens », confie ce lundi au Quotidien Véronique Guillotin, sénatrice de Meurthe-et-Moselle, corapporteure avec la députée Sandrine Josso du rapport sur la soumission chimique, remis au gouvernement après une année d’auditions.
Levée du secret médical
La présentation de ce rapport survient cinq mois après le verdict dans le procès des viols de Mazan à l'issue duquel Dominique Pelicot a été condamné pour avoir drogué et livré sa femme à des dizaines d'inconnus qui l'ont violée. Ce procès, à l'immense retentissement médiatique, a permis de lever le voile sur un phénomène jusque-là méconnu, la soumission chimique.
Très attendu, le document dévoilé ce lundi contient une cinquantaine de recommandations – dont 15 à « mettre en œuvre en priorité », dès cette année. Celles-ci vont de la prévention à l'accompagnement accru des victimes en passant par le traitement judiciaire ou encore la recherche consacrée à ce fléau.
Sur le plan de l’information et de la prévention, les deux élues jugent nécessaire le lancement, à un rythme annuel, d'une vaste campagne de sensibilisation de la population, ainsi qu'« un renforcement des moyens » au bénéfice de l'éducation à la vie affective et sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires.
Surtout, les auteurs du rapport se prononcent en faveur de l’élargissement de la levée du secret médical aux cas de soumission et de vulnérabilité chimiques, « si la victime ne souhaite pas déposer plainte du fait de l’altération temporaire de son discernement ou du contrôle de ses actes par un tiers », indique le texte. « Une immunité disciplinaire serait garantie aux médecins et à l’ensemble des professionnels informant les autorités judiciaires des faits commis », précise Véronique Guillotin, elle-même généraliste de formation.
Ce qui m’a choquée en tant que médecin, c’étaient ses dix années d’errance médicale. Je me suis sincèrement posé la question : comment est-ce possible ?
Véronique Guillotin à propos des viols de Mazan
C’est même l’une des raisons qui l’ont poussée à participer à cette mission sur la soumission chimique. « C’était avant le procès Pelicot, précise-t-elle. Mais lorsque la médiatisation a frappé, ce qui m’a choquée en tant que médecin, c’étaient ses dix années d’errance médicale. Je me suis sincèrement posé la question : “Comment est-ce possible ?” Et pourtant oui, c’est ce qu’il s’est passé. Et moi-même, comme mes confrères, je n’y aurais sans doute pas pensé non plus », reconnaît la sénatrice.
Pourtant, selon les estimations officielles, 1 229 soumissions et vulnérabilités chimiques vraisemblables ont été analysées en 2022 par le centre de référence des agressions facilitées par les substances (CRAFS). En 2023, « 127 personnes ont été mises en cause au titre de la seule soumission chimique : parmi les 65 procédures poursuivables, 62 l’ont été effectivement, donnant lieu à des peines de réclusion ferme d’une durée moyenne de 8,9 années », rappelle le rapport parlementaire. Qui insiste sur le fait que ces chiffres ne représentent qu'une « estimation infinitésimale des situations ».
Annuaire des laboratoires experts agréés
Parmi les autres pistes avancées, les deux élues préconisent le recensement des différents lieux où réaliser des prélèvements biologiques au regard du maillage territorial. Une forme d’annuaire des établissements agréés, « qui n’existe pas à ce jour », poursuit Véronique Guillotin. La mission souhaite aussi la mise en place de kits de prélèvements biologiques, et non de détection, qui ne présentent aucune garantie pour leurs usagers.
Les deux parlementaires plaident également pour l’actualisation des textes sur la procédure de recueil des preuves sans dépôt de plainte au sein de groupements hospitaliers « afin d’y intégrer les victimes de soumission ou de vulnérabilité chimiques ». La généralisation de l’expérimentation sur le remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte est aussi demandée. À titre indicatif, la recherche et le dosage de substances pouvant être utilisées dans les cas de soumission chimique (cannabinoïdes, amphétaminiques, cocaïne, opiacés et métabolites), par un laboratoire expert, peuvent atteindre jusqu’à 1 500 euros non remboursables si la victime n’a pas déposé plainte. Un frein supplémentaire, financier cette fois, pour celles et ceux qui voudraient se faire dépister.
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