Il était attendu pour juillet 2023, il a finalement été présenté ce vendredi par Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé. Le plan pour la sécurité des soignants – nourri par les propositions du rapport du Dr Jean-Christophe Masseron et de Nathalie Nion de juin dernier – décline pas moins de 42 mesures. « Il est le reflet de notre volonté d'afficher une tolérance zéro vis-à-vis des violences. C'est un plan pour redonner envie aux jeunes de se tourner vers ce métier et de leur montrer qu'ils peuvent exercer en toute sécurité », avance Agnès Firmin Le Bodo.
Améliorer la réponse pénale
Sensibiliser le public et former les soignants aux situations de violences, prévenir les situations de tension ou de danger, sécuriser l'exercice et enfin mieux déclarer les violences et mieux accompagner les victimes sont les axes majeurs de cette boite à outils.
Plusieurs dispositions concernent la médecine de ville. Sur le même principe que le régime de protection pénale des agents du service public, le plan crée un « délit d'outrage » spécifique qui concerne tous les professionnels de santé libéraux. Une mesure préconisée dans le rapport Masseron/Nion. Cette évolution devrait faire l'objet d'un débat au Parlement pour être intégrée dans l'arsenal législatif. « C'est un acte fort pour le secteur libéral, assure Agnès Firmin Le Bodo. C'est aussi une mesure de prévention car le fait de savoir qu'agresser un professionnel de santé libéral peut potentiellement être suivi d'une sanction peut être un message dissuasif pour les agresseurs ». Pour les outrages, le plan prévoit par ailleurs de promouvoir les protocoles de traitement accéléré des poursuites par le délégué du procureur de la République.
Du côté des hôpitaux, les directeurs d'établissement de santé pourront déposer plainte à la place de la victime – avec leur accord – en cas de menaces ou de violences à l'encontre de leurs agents. Une manière de soutenir les personnels et même d'« atténuer la crainte de représailles », relève le ministère.
Dispositifs d'alerte portatifs
Autre mesure retenue par le gouvernement, le financement de dispositifs d'alerte (par exemple un bouton d'alarme connecté sur un bracelet, NDLR) pour les soignants libéraux « les plus exposés », ceux exerçant de façon isolée ou réalisant des consultations à domicile. La prise en charge de ces outils d'alerte pour tous les professionnels de santé semble toutefois exclue par l'exécutif. « L'idée est avant tout de faire savoir auprès des soignants que ce type de dispositifs existent. Le coût d'un tel système s'élève à environ 50 euros (...) Je ne pense donc pas que le premier frein soit le montant de l'équipement mais plus la méconnaissance de ces dispositifs par les soignants », argumente Agnès Firmin Le Bodo.
La ministre a également annoncé son intention d'inciter les collectivités locales à déployer des caméras de surveillance sur l'espace public à proximité des structures de santé. Cette mesure devrait être financée par le fonds interministériel de prévention et de la délinquance (FIPD).
Sécuriser les bâtiments
Un volet est consacré au renforcement de la sécurité des bâtiments. En ville, le gouvernement entend se saisir du « plan 4 000 MSP », dévoilé en juin, pour intégrer les règles de sécurité bâtimentaire au sein des projets immobiliers qui seront déployés. Deux guides de recommandations en matière de sécurité des bâtiments seront publiés pour les établissements de santé et les structures de ville. « Il ne s'agit pas de reconstruire tous les hôpitaux, recadre la ministre. Mais l'idée est d'accompagner les établissements qui ont des projets de réaménagement ou de rénovation ». Ces réaménagements devront intégrer des mesures pour mieux gérer les flux de patients, souvent source de tension.
Le gouvernement souhaite également mettre l'accent sur la formation des professionnels de santé. Concrètement, les internes suivront en 6e année de médecine un module dédié à la gestion de l'agressivité. Sur le plan de la formation continue, des actions visant à gérer des situations de violences seront promues par les Ordres dans le cadre du DPC.
Campagne grand public et secourisme
La volonté du gouvernement de sensibiliser le grand public au respect dû aux soignants sera concrétisée par une « campagne nationale » d'affiches, prévue pour début novembre. Elle proposera notamment des messages essentiels sur la nécessité de signaler systématiquement les violences, condition pour ne plus les banaliser.
De plus, le gouvernement a pour objectif de former 150 000 professionnels au brevet de secourisme en santé mentale en 2025.
Contexte lourd
Ce plan s'inscrit dans un contexte de violences croissantes à l'encontre des blouses blanches. L'observatoire de la sécurité de l'Ordre a même fait état d'un record historique du nombre d'incidents déclarés directement par les praticiens en 2022 (1244, +23 %) – les généralistes étant les plus exposés.
Par ailleurs, près de 18 768 signalements ont été comptabilisés en 2022 par 368 établissements, selon l'observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). Le ministère précise que ces situations représentent environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens chaque année.
470 signalements de professionnels libéraux depuis janvier
Depuis le 1er janvier 2023, la plateforme de signalements de l'ONVS est désormais accessible aux libéraux de santé. Elle était, jusqu'alors, seulement ouverte aux hospitaliers. À date, 470 signalements de soignants libéraux ont été enregistrés depuis janvier, précise Vincent Terrenoir, commissaire général de police, délégué à la sécurité générale auprès de la directrice générale de l’offre de soins (DGOS) au sujet des violences faites aux médecins.
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