« Ce n’est pas ce rapport qui va faire le plus de buzz ! Nous avons voulu aller chercher des solutions claires, pragmatiques et humbles », a assuré Christophe Naegelen, député du groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (Liot), rapporteur de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, dont il a dévoilé mercredi les conclusions.
À l’issue de cinq mois de travaux et d’auditions de 87 acteurs du secteur (syndicats, étudiants, élus, fédérations, etc.), « le bilan que je tire est alarmant », a lâché le député vosgien. En raison du « manque d’anticipation des politiques depuis des années » l’organisation du système de santé produit « des inégalités sociales, territoriales, financières insupportables tant pour les soignants que pour nos concitoyens ». « Une grande partie de notre population vit dans un désert médical (...) et a du mal à accéder à l'hôpital public », a souligné Christophe Naegelen, pointant une série de défaillances.
Diminuer la durée des études médicales et créer une formation en alternance
Dans ce contexte, la commission d’enquête parlementaire, présidée par le député de l’Aveyron Jean-François Rousset (Ensemble pour la République) – mais réunissant aussi des élus centristes et de la gauche - a énoncé une vingtaine de propositions qui touchent aussi bien à la gouvernance de la santé, aux études médicales ou aux offreurs de soins.
La formation initiale fait l’objet d’un axe prioritaire. Tirant les leçons des échanges tendus avec les représentants des jeunes médecins, la commission d’enquête préconise de raccourcir la durée des études médicales tant « pour les médecins généralistes que pour les spécialistes », souligne Christophe Naegelen. « Pour faire face à la pénurie, nous devons chercher la façon de mettre le plus rapidement possible les étudiants sur le marché », assume le député, qui ajoute que les jeunes veulent « concilier leur vie professionnelle et privée ». Pour y parvenir, la commission propose à la fois de « compresser » les trois premières années d’études « purement théoriques » du premier cycle en deux ans, mais aussi d’ajourner la réforme de la quatrième année d’internat de médecine générale, « qui peine à se mettre en place ». Les parlementaires évoquent au passage un excès d’examens et de cours théoriques au long du cursus. Le rapporteur évoque aussi la possibilité de redoubler la première année des études de santé et d’introduire dans les maquettes pédagogiques des cours plus variés sur les relations humaines, la gestion d’entreprise médicale ou le management pour mieux les préparer à leur futur métier. « C’est une inquiétude relayée par les jeunes », insiste le député.
Autre idée plus innovante : la création d’une voie de formation « en alternance », en cabinet libéral, à partir de la fin de la deuxième année, « encadrée et proposée aux jeunes qui souhaitent exercer en ville ». Cette solution permettrait aux futurs médecins « de mieux connaître la patientèle et de s’intégrer dans le territoire », plaide Christophe Naegelen.
PDS en établissement : un malus sur les dotations forfaitaires
La commission d'enquête a ensuite mis en évidence les disparités entre les secteurs public et privé, allant parfois jusqu’à une forme de « concurrence déloyale ». La permanence des soins fait l’objet ici d’une attention toute particulière et de critiques surtout à l’endroit du privé. Malgré la publication du décret issu de la loi Valletoux qui cadre mieux la participation des hôpitaux et cliniques pour les gardes en établissement de santé (PDSES), la commission d’enquête propose de resserrer la vis pour mobiliser davantage le secteur privé. Son idée consisterait à créer « un malus sur les dotations forfaitaires » lorsque les établissements ne participent pas aux gardes. « Tout le monde doit faire les efforts et ce n’est pas le cas, notamment pour les cliniques privées », martèle le député des Vosges.
La commission envisage-t-elle un retour à l’obligation de PDSA en médecine de ville pour les libéraux ? Interrogé par Le Quotidien, Christophe Naegelen écarte cette voie coercitive qui figure dans la proposition de loi transpartisane du député PS Guillaume Garot. « Je n’y suis pas favorable, tout comme je ne suis pas favorable à la régulation à l’installation. L’organisation des gardes ambulatoires commence à bien se structurer avec le renfort du service d’accès aux soins », analyse-t-il.
Suppression des ARS, création de préfets sanitaires
La gouvernance de la santé, jugée pas assez responsabilisante, est épinglée avec une vive critique des ARS. Alors que la suppression de ces agences est régulièrement réclamée par certains élus, cette piste resurgit. « Les agences ont trop de missions, elles sont déconnectées de la réalité du terrain et des préoccupations de nos concitoyens. Elles devront se concentrer sur l’offre de soins », assène l’élu des Vosges.
L’idée serait de transférer certaines de leurs compétences aux collectivités ou à d’autres administrations, sous l’autorité du préfet de région, mais aussi de créer au niveau départemental un sous-préfet sanitaire, proche du terrain. Ainsi, les missions sur la dépendance devront être transférées aux départements, et la prévention aux collectivités territoriales en lien direct avec les CPTS. « En opérant cette restructuration administrative, on resterait plus près du terrain et on redonnerait aussi du poids aux collectivités en lien avec les soignants », plaide le rapporteur. Cette critique des ARS intervient alors que l’exécutif est tenté par la suppression de certaines agences d’État et un transfert de compétences aux préfets.
La commission d’enquête recommande par ailleurs une grande loi de programmation en santé avec un cadre budgétaire pluriannuel fixant objectifs et moyens à l’horizon de cinq ans, gage de lisibilité. Une mesure réclamée par de nombreux acteurs hospitaliers, libéraux et industriels.
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