Le point de vue de Nathalie Colin-Oesterlé*

Notre pays ne s'est pas suffisamment préparé pour réfléchir à sa stratégie vaccinale

Publié le 19/03/2021
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La députée européenne du PPE pointe les ratés français dans la distribution des vaccins. Des couacs, qu'elle explique par la lourdeur administrative inhérente à l'Hexagone. Sans l'action de l'Union européenne, la situation aurait été encore plus aléatoire, estime-t-elle.

Crédit photo : DR

Le retard dans la vaccination est pointé du doigt depuis plusieurs mois. S’il est incontestable que des erreurs ont été commises, gardons à l’idée qu’il y a un peu moins d’un an, personne n’imaginait qu’un vaccin allait permettre de protéger dès fin 2020 les plus fragiles d’entre nous avant d’être accessible à un plus large public. Il faut souligner l’exploit scientifique et industriel que cela représente !

La soudaineté de la pandémie a touché tous les pays européens sans exception. Pour autant, certains ont mieux su s’adapter que d’autres. Alors qu’au niveau européen nous discutions dès mai 2020 du développement d’un vaccin, la France ne s’y est pas suffisamment préparée et a attendu la fin de l’année pour réfléchir à une stratégie vaccinale, que de temps perdu !

Dès le lancement de la campagne de vaccination, le principal problème a été celui de la logistique et reste d’actualité. Chaque élu local en est témoin, notre pays souffre d’une centralisation trop importante, d’une lourdeur administrative et d’un manque de réactivité. En effet, comment expliquer qu’au 1er mars 2021, sur près de 8 millions de doses réceptionnées en France, plus de 40 % d’entre-elles n’étaient toujours pas utilisées ? Comment expliquer que nous soyons seulement le 21e État membre sur 27 en taux de vaccination pour 100 habitants ? La responsabilité est d’abord nationale, c’est un fait.

Dysfonctionnements dans les chaînes de production

Mais le retard pris est aussi dû aux dysfonctionnements qui sont apparus sur les chaînes de production de certains industriels. Alors que la Commission européenne a contribué à hauteur de 2,7 milliards d’euros afin de permettre aux laboratoires de mettre à niveau leurs chaînes de production, le laboratoire Astra Zeneca a réduit par trois ses livraisons dans l’Union européenne au premier semestre 2021, ne respectant pas ses engagements. L’entreprise Pfizer a connu quant à elle un léger coup d’arrêt dans son usine belge afin de mettre à niveau ses lignes de production fin janvier et augmenter ainsi considérablement ses capacités de production.

Rejeter la faute sur l’Europe est une tradition bien connue qui consiste à trouver le bouc-émissaire parfait pour se soustraire à sa propre responsabilité. Il est utile de rappeler que la santé est d’abord une compétence nationale et que l’Europe a une compétence d’appui en matière de coordination et d’harmonisation. L’Union européenne a certes marqué un certain retard (3 à 4 semaines) dû en particulier au degré d’exigence de l’Agence européenne du médicament pour autoriser la mise sur le marché de vaccins dans le respect des normes les plus élevées de sécurité. Toutefois, dès le 17 juin 2020, un plan coordonné sur la stratégie européenne de vaccination contre le coronavirus a été présenté.

Durant l’été, plus de 160 candidats vaccins ont tenté de conclure des accords d’achats anticipés avec la Commission européenne. Six d’entre eux ont été retenus et aujourd’hui trois sont déjà sur le marché (Pfizer-BioNTech, Moderna et Astra Zeneca). Un autre devrait l’être bientôt (Johnson & Johnson), deux sont en cours de développement (Sanofi-GSK et CureVac) et des discussions préliminaires ont été menées en janvier avec Valneva. Sans oublier le vaccin Sputnik, en cours d’examen par l’Agence européenne du médicament.

Grâce à l’Union européenne, chaque État membre a accès aux doses des vaccins autorisés au même moment et en quantités proportionnelles à son nombre d’habitants. Grâce à l’Union européenne, nous évitons une concurrence effrénée sur les prix, les quantités et les dates de livraisons entre pays européens. Grâce à l’Union européenne, l’achat groupé permet d’obtenir des vaccins en quantités très importantes et à des prix compétitifs et harmonisés. Qu’aurions-nous dit si l’Union européenne n’avait pas agi, laissant le chacun pour soi l’emporter ?

Si le manque de transparence des laboratoires pharmaceutiques sur certaines clauses contractuelles est regrettable, il n’est en rien responsable du retard pris par la France en matière de vaccination. Le retard aujourd’hui constaté est inhérent à la lourdeur administrative et à un manque de réactivité : sur les masques d’abord, sur les tests ensuite et maintenant sur le vaccin. Nous souhaitons tous que la situation sanitaire s’améliore rapidement et que l’action collective de l’Union européenne se poursuive, loin des réflexes nationalistes. Et gardons à l’esprit ce proverbe africain : « Seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin. »

Exergue : Rejeter la faute sur l’Europe est une tradition bien connue qui consiste à trouver un bouc-émissaire pour se soustraire à sa propre responsabilité

* Nathalie Colin-Oesterlé, député européenne PPE (Parti populaire européen)

Source : Le Quotidien du médecin