Alors qu’à l’occasion du lancement d’« Octobre rose », la controverse sur le dépistage du cancer du sein et ses risques de surdiagnostic et de surtraitement refait surface, la société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM) met en avant les « ratés » du dépistage et les cancers de l’intervalle. Et souligne l’importance de la clinique.
Et si l’écueil du dépistage du cancer du sein n’était pas tant le surdiagnostic et le surtraitement que le « sous-diagnostic » ? Alors qu’à l’occasion du lancement d « Octobre rose », la controverse sur le dépistage du cancer du sein et ses « excès » revient sur le devant de la scène (voir encadré), la Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire (SFSPM) a, pour sa part, attiré l’attention sur les « ratés » du dépistage et les cancers de l’intervalle.
Définis comme toute tumeur découverte dans les 24 mois qui suivent un dépistage organisé, ces cancers de l’intervalle sont souvent très mal vécus par les patientes et constituent toujours une remise en cause pour les médecins qui y sont confrontés. Malgré cela, le sujet reste peu abordé comme l’a souligné le
Dr Brigitte Séradour (membre de la SFSPM et Radiologue à Marseille) en présentation des 34es journées de la SFSPM.
Les cancers de l’intervalle ne sont pourtant pas si rares. Selon les registres établis par cinq départements français, entre 2002 et 2005, 15 femmes sur 10 000 environ ont eu un cancer de l'intervalle, tandis que 65/10 000 ont eu une tumeur dépistée par la mammographie bisannuelle. Soit un taux de cancer de l'intervalle de plus de 18 % chez les femmes dépistées, « ce qui n’est pas négligeable », estime le Dr Séradour. Ce chiffre recouvre toutefois des réalités très différentes. Selon les données de la littérature, seulement la moitié correspondrait à d’authentiques cancers de l’intervalle, apparus après le dépistage ou trop petits pour être détectés au moment de l’examen.Tandis que 15 % seraient en fait attribuables à des erreurs de lecture ou des erreurs techniques et près d’un tiers correspondraient à des images jugées bénignes à tort.
Les « ratés » de la mammo
En d’autres termes, une proportion non négligeable de ces cancers de l’intervalle serait liée à des « ratés » de la mammographie. « Ces faux négatifs constituent un problème au moins aussi important que les faux positifs car ils risquent de venir minimiser le bénéfice du dépistage qui n’est déjà pas énorme en terme de diminution de la mortalité », estime le Dr Séradour. Pour cette spécialiste du dépistage, l’amélioration et l’homogénéisation de la qualité des mammographies doit donc rester une priorité. Et le dépistage organisé une règle d’or : « Par la deuxième lecture, seul le dépistage organisé réduit les risques de faux négatifs car elle rattrape 7 à 10 % des cancers non détectés après première lecture ».
La répétition plus fréquente des mammographies, tous les ans par exemple, pourrait aussi permettre de « rattraper » d’avantage de tumeurs passées à l’as mais au prix d’une irradiation plus importante et d’une augmentation des faux positifs. « Le choix d’un intervalle de 2 ans entre les dépistages après 50 ans reste donc raisonnable », considère le Dr Séradour. À moins d’individualiser le dépistage en fonction du profil de risque de chaque femme comme y réfléchissent actuellement certains spécialistes. « On pourrait, peut-être, par exemple, identifier une population qui pourrait bénéficier d’un rythme de dépistage plus rapproché ou d’une échographie systématique de dépistage », suggère le Dr Richard Villet, président de la SFSPM. Selon les données d’une enquête conduite par l’ACORDE (Association des médecins coordonnateurs du dépistage des cancers), les cancers de l’intervalle surviennent plus volontiers chez des femmes ayant légèrement plus d’antécédent familiaux de cancers du sein (16 % vs 10 %), plus de traitements hormonaux (19,5 % vs 12,4 %) et surtout une densité mammaire plus élevée (36 % vs 22 %). Autant d’éléments que prendra sûrement en compte la HAS qui devrait émettre sous peu de nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes à risque.
La clinique toujours
En attendant, « il est important que les femmes restent vigilantes entre deux dépistages », insiste le Dr Séradour et que les praticiens n’abandonnent pas la clinique et la palpation. « Ce n’est pas parce qu’une mammographie est normale que tout va bien », insiste le Pr Anne Gompel (responsable de l’unité de Gynécologie médicale-Endocrinienne-Sénologie de Port-Royal-Cochin, Paris) qui rappelle qu’environ 20 % des cancers du sein sont encore dépistés par la clinique…