Surdiagnostic, faux négatifs.… Le dépistage du cancer du sein est attaqué sur plusieurs fronts. Ces critiques ne reflètent-elles pas finalement les limites de la mammographie ?
Dr Corinne Balleyguier. Je ne pense pas que la mammographie soit si limitée que cela, au contraire ! Concernant le risque de surdiagnostic, les données françaises montrent des taux de faux positifs de l’ordre de 9 %, ce qui est tout à fait acceptable. Par ailleurs depuis 2004 les mammographies réalisées dans le cadre du dépistage organisé sont systématiquement associées à un examen clinique des seins et, si nécessaire, à un bilan de diagnostic immédiat (agrandissement, cliché localisé, ou échographie). Cette particularité française a permis de limiter les faux positifs et de réduire les taux de rappel et l’angoisse des patientes. En revanche, il est vrai que dans les cabinets de radiologie, le passage au numérique peut s’accompagner, au moment du changement de matériel, d’une augmentation des faux positifs, le radiologue « surinterprétant » certaines images. Mais ce phénomène est généralement transitoire et tend à se tasser une fois que le radiologue a pris de nouveaux repères. Le numérique permet aussi de détecter davantage de « vrais cancers », et de limiter ainsi les faux négatifs.
L’échographie et l’IRM sont-elles plus performantes ?
Dr C. B. L’échographie est certes un examen facilement accessible et non irradiant. mais elle ne permet pas de relecture et reste trop opérateur dépendante pour être un bon outil de dépistage tout venant. En revanche, elle est préconisée en plus de la mammographie, en cas de seins denses (soit environ 30 % des cas) ou d’anomalies cliniques ou radiologiques. Quant à l’IRM, elle est certes plus sensible que la mammographie, mais au prix de plus de faux positifs (15-20 %). Il y a aussi le problème du coût et des délais de rendez-vous. Enfin, l’IRM peut repérer des lésions malignes qui restent invisibles avec les autres techniques. Cela implique de faire des biopsies sous IRM ce qui reste assez compliqué pour le moment et difficilement envisageable en routine. L’IRM ne doit donc pas être demandée pour des patientes « tout venant », sous peine d’accumuler des images dont on ne saura pas quoi faire.
À l’avenir, d’autres techniques pourraient-elles prendre le relais ?
Dr C. B. Une équipe allemande travaille sur des « tests IRM de dépistage » qui consistent à réaliser une IRM de courte durée avec peu de séquences, dans le but de détecter une anomalie suspecte puis une IRM plus complète le cas échéant. Des échos 3D sont aussi en évaluation. L’idée est de reconstruire une image 3D, recontrôlable a posteriori, à partir d’images planes acquises de façon automatisée et donc non opérateur dépendante. Mais, pour l’heure, ces techniques ne sont pas validées. Et plutôt qu’envisager un changement d’outil, mieux vaut peut-être affiner nos stratégies de dépistage. Alors qu’aujourd’hui, en dehors des femmes à très haut risque, on propose la même chose à tout le monde, l’idéal serait de faire un dépistage à la carte, comme, par exemple, un rythme de dépistage plus rapproché ou une association systématique à l’échographie voire un début plus précoce du dépistage en fonction du niveau de risque
de cancer du sein dans la vie calculé selon des paramètres bien codifiés.
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