Silence radio depuis une dizaine de jours. Les conclusions de la Mission confiée par l’Elysée à l’ancienne ministre de la Santé auraient dû être dévoilées début octobre. Mais depuis lors, plus de nouvelles. Chacun est suspendu à un feu vert du chef de l’Etat, qui seul reste maître du tempo. Pour l’heure, seuls les thèmes abordés par la chargée de mission au cours de ses déplacements et quelques pistes lâchées ça et là permettent de se faire une idée du futur rapport Hubert.
« Si quelqu’un a en sa possession une version du rapport de Madame Hubert, nous serions très intéressés qu’il ou elle nous en fasse parvenir une copie… », plaisantait la semaine dernière le Dr Michel Chassang. Huit jours plus tard, le patron de la CSMF se fache carrément?: «?L’exaspération est à son comble?». Il est vrai que le document est très attendu du monde de la santé, médecins généralistes en tête. Impatience à la mesure du travail effectué par la chargée de mission sur la médecine de proximité : pas moins de 88 auditions et une dizaine de déplacements en province (voir article p. 13). Dès avril, elle annonçait vouloir remettre sa copie à l’Elysée à la fin du mois de septembre. C’était compter sans la concomitance d’une autre échéance de taille pour le monde de la santé : les élections aux Unions régionales des professions de santé (URPS). Et la perspective, imprévue celle-ci, de deux autres événements majeurs : la grève, d’abord, l’imminence d’un remaniement ministériel, ensuite. Deux échéances à haute tension médiatique qui rendent inopportune la présentation au même moment d’un rapport sur la médecine de ville.
« Elle fait en effet partie, en tout cas avec le portefeuille de la santé, des ministrables crédibles. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle ne communique plus du tout sur la date de la remise de son rapport ? », relève en tout cas le secrétaire général du SML. Dont le syndicat a été parmi les premiers à avoir été auditionné par la chargée de mission. « C’était avant les vacances. Elle était à l’écoute et semblait rechercher des solutions vraiment concrètes et opérantes pour répondre aux problèmes de démographie médicale. Notre proposition de faire appel au pool des généralistes remplaçants et aux « jeunes » médecins retraités a, je pense, retenu son attention », espère le Dr Roger Rua. À la CSMF, on espère trouver dans le rapport Hubert un bon nombre des 150 propositions formulées il y a dix jours avec le SML (voir ci contre). Et Michel Chassang de citer en vrac : la refonte de la Ccam clinique, des solutions pour la démographie médicale et la surcharge administrative des praticiens, ou favorisant le regroupement médical, ou pour améliorer le profil de carière et la couverture sociale des médecins libéraux.
À MG-France, on est plus circonspect. « Oui, son écoute et l’attention dont elle a fait part lors de notre audition ont été très bonnes. Nous lui avions développé notre projet de valorisation de la fonction de médecin traitant par le biais d’une rémunération forfaitaire. Aujourd’hui, près de 30 % de notre temps de travail n’est pas rémunéré », se souvient le Dr Claude Leicher. Ce qui n’empêche pas le président de MG-France de se montrer pour le moins dubitatif sur l’impact final du rapport « dont il se murmure maintenant qu’il ne devrait pas sortir avant la fin du mois d’octobre ». Voire début même début novembre, selon d’autres rumeurs. Quoi qu’il en soit, pour Claude Leicher, il est déjà trop tard. « Le diagnostic est connu. Les thérapeutiques à mettre en œuvre pour la médecine générale aussi. On attend toujours l’ordonnance, et compte tenu de l’absence de marge de manœuvre financière dont dispose Madame Hubert… », lâche le président de MG-France. Qui conclut : « de toute manière, le PLFSS 2011 est déjà entré en discussion ».
La remise du rapport Hubert ne trouble pas Union généraliste. « Elle a dit des choses qui n’étaient pas mal, relève le Dr Claude Bronner. « Mais comme les moyens financiers ne suivent pas… Peut-être qu’elle nous surprendra. Soit elle ouvre des pistes avec de vraies propositions de financement, et on ouvrira le champagne, soit on assistera à une énième déclinaison du thème : « médecine de proximité ou le généraliste au cœur du système de soins », estime le co-président d’Union Généraliste.
Les internes de médecine générale sont plus optimistes. Il faut dire qu’ils ont pour eux quelques assurances : « mon rapport d’adresse à ceux qui vont avoir vingt ou trente ans d’exercice devant eux », expliquait Elisabeth Hubert lors de son déplacement en Franche-Comté. Il n’empêche que le président de l’Isnar reste vigilant. « Coopéération interprofessionnelle, généralisation des stages de deuxième cycle dans toutes les facs, dossiers médicaux partagés… beaucoup de choses en faveur de la médecine générale sont déjà prévues. Les textes existent. Commençons déjà par les faire appliquer », résume Stéphane Munck.
« La tache n’est pas aisée », analyse le Dr Patrick Vuattoux. Le médecin de Besançon sait de quoi il parle, il était l’un des deux généralistes de la mission Legmann, à qui l’Elysée avait – déjà – demandé de plancher sur l’avenir de « la médecine libérale ». « D’après ce que j’observe, ses différents déplacements l’ont conduit à sortir du microcosme parisiano-parisien, ce qui implique une véritable ouverture d’esprit. En revanche, contrairement à la lettre de mission qu’avait reçue le Dr Legmann, la sienne comporte un volet économique. À charge donc pour le Dr Hubert de chiffrer ou d’expliquer comment financer ce qu’elle propose. Ce qui lui rajoute indéniablement une pression supplémentaire ».
Mais, de l’avis du praticien franc-comtois, « ce qui importe in fine, c’est moins le contenu du rapport lui-même que la capacité politique de Madame Hubert à convaincre le président de mettre en œuvre des mesures en faveur de la médecine générale. En cela, elle est certainement mieux placée que ses prédécesseurs… » Peut-être. À moins que l’Elysée, surpris par certaines propositions décoiffantes du rapport ne tente d’en infléchir la teneur, avant qu’il ne soit rendu public… Réponse dans quelques jours. Sans doute...