« La prescription dématérialisée ? Un cauchemar ! ».
Depuis le début de l’année, médecins et pharmaciens transalpins ne décolèrent pas. Alors que la France entend généraliser la e-prescription à l'horizon 2022, les professionnels de la péninsule italienne – qui a déjà largement adopté l'ordonnance numérique depuis 2016 – regrettent parfois le temps de la « ricetta rosa », l’ordonnance papier de couleur rose...
À l'origine du courroux des généralistes et des officinaux, plusieurs pannes ayant paralysé des logiciels et systèmes informatiques de l'administration publique et les flux associés. Les bugs ont frappé d'abord la région du Piémont puis en Campanie, la région de Naples, avant de faire tache d’huile dans tout le pays. Le couac a également touché plusieurs hôpitaux, le système de choix du médecin traitant ou les droits aux exemptions pour les patients chroniques.
Atteinte à la prescription
Cette panne s'est notamment traduite par le blocage complet de nombreuses e-prescription, des difficultés d’insertion des codes d’exemption pour certains malades et autres black-out exaspérants. Pour la Fédération des médecins généralistes italiens, cette entrave a pénalisé médecins et patients. « Alors que la grippe atteignait son pic, de nombreux confrères n’ont pas pu prescrire de médicaments ! Ils n’avaient plus de blocs d’ordonnances puisque la Sécurité sociale veut absolument réduire les prescriptions papier. Les patients en arrêt-maladie sont aussi touchés car ils doivent envoyer leurs certificats à leurs employeurs par la Poste, tout cela est inadmissible ! », s’exaspère le Dr Alessandro Sabatini, un généraliste installé à Rome.
Il faut dire que pour obliger les médecins à réduire leurs prescriptions papier, la Sécu italienne a introduit un système de malus sur les honoraires pour ceux qui n’atteignent pas les objectifs fixés. « Dans le Latium, le nombre de prescriptions dématérialisées doit représenter 70 % du volume trimestriel alors que dans d’autres régions, le plafond varie... entre 80 et 90% » explique le Dr Alessandro Sabatini. « L’Italie est le symbole de la santé à plusieurs vitesses car les 20 régions sont autonomes en matière de santé », souligne ce médecin très hostile à la e-prescription.
Hold-up
Il explique que l'ordonnance électronique représente une charge de travail pour les médecins conventionnés et des coûts supplémentaires. « Le paradoxe, c'est que nous devons systématiquement imprimer la e-prescription car, sans la version papier, le pharmacien a le droit de refuser de fournir les médicaments prescrits au patient. La loi italienne prévoit les deux versions et nous devons donc payer le papier pour imprimer l’ordonnance, c’est un hold-up légalisé ! » tonne le Dr Sabatini.
La Fédération des médecins généralistes italiens a déjà demandé à la Sécurité sociale de ne pas prendre en compte le mois de janvier dans le décompte trimestriel des prestations dématérialisées – l’insuffisance probable des résultats des médecins résultant des défaillances du système informatique. Pour l’heure, la Sécu n’a pas répondu.
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