LE QUOTIDIEN : La défense de l’identité de la médecine générale a fait l’objet de plusieurs communications lors de la Wonca. Pourquoi est-ce nécessaire aujourd’hui ?
Pr PAUL FRAPPé : C’est un sujet que nous avons vu dès les councils (réunions) qui se tiennent juste avant le congrès et que portent des associations comme l’Uemo [Union européenne des médecins omnipraticiens/de famille, NDLR]. L’objectif est d’obtenir une reconnaissance de la spécialité auprès de la Commission européenne, ce qui est déjà le cas dans beaucoup de pays membres. Au-delà de la symbolique, cela permet de défendre un message pour notre profession, de faciliter les équivalences entre pays et d’harmoniser la formation initiale entre les différentes spécialités.
La Dr Mary McCarthy a reçu une standing ovation à sa plénière « The best job in medicine ». La Wonca crée une forme d’émulation collective autour du métier…
Oui. C’est l’occasion de se retrouver, de voir soulignée toute la valeur de notre profession au niveau international et par de nombreux acteurs, comme l’OMS. Ça fait du bien de l’entendre, de voir des études montrant que l’utilité de notre job n’est pas qu’une conviction mais un fait. Car le contexte, les polémiques bousculent le sens de ce métier.
Nous sommes tous confrontés à des enjeux identiques, que ce soit autour de la financiarisation, du déficit de professionnels de santé, de l’arrivée du numérique ou encore des migrations de soignants. On peut distinguer des pays – plutôt riches – qui forment peu de médecins et les font venir de l’étranger, et d’autres – plutôt pauvres – qui en forment beaucoup mais les voient ensuite partir. Ce ne sont pas des enjeux franco-français, et c’est intéressant de croiser les regards. Ça permet de relativiser. On a parfois l’impression que l’herbe est plus verte ailleurs mais on se rend compte que ce n’est pas toujours le cas. En Allemagne par exemple, quand on apprend que les généralistes n’y suivent pas les enfants, voient parfois une centaine de patients par jour… La Wonca, c’est une boîte à idées qui, parfois, renforce la satisfaction que l’on peut avoir dans sa pratique.
La santé planétaire était aussi très présente. Comment cette tendance s’impose-t-elle ?
Elle a clairement une dimension universelle. La santé planétaire a été intégrée à la définition européenne de la médecine générale. Il y a beaucoup de choses à faire, parfois très concrètes. Par exemple, en France, on a vu récemment une polémique autour d’une campagne de la Caisse d’assurance-maladie incitant à délaisser les inhalateurs à gaz propulsé pour privilégier ceux à poudre, avec un risque de comportements inadaptés en cas de discours trop alarmiste. Cela montre qu’il ne suffit pas de mettre en avant un but à atteindre. Il est tout aussi important de travailler sur la bonne démarche pour parvenir à cet objectif.
En 2026, c’est le CMG qui organise le congrès Wonca Europe, du 30 juin au 3 juillet, avec pour thème la liberté, l’égalité et la fraternité dans le soin. Pourquoi ce choix ?
Cette thématique autour de notre devise nationale souligne la dimension humaniste de la médecine générale. L’augmentation de la puissance technique et le développement de l’accès à la connaissance créent un mouvement de fond qui nous pousse à nous recentrer sur l’humain. Les enjeux de liberté reposent sur la prescription, la décision, l’installation, la santé mentale et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Finalement, la liberté de poser ses limites et de dire non.
Nous parlerons également de l’égalité d’accès aux soins, à la prévention, aux traitements – en termes de prix mais aussi de logistique avec les ruptures de stocks – ou encore d’accès à la connaissance.
Et enfin, la fraternité. Là aussi, cela ouvre à une multiplicité de thématiques. C’est la fraternité dans nos collaborations interprofessionnelles, dans les organisations territoriales, mais aussi la fraternité financière via notre système de solidarité. Ou encore la fraternité dans nos différences, dans la diversité des pratiques. C’est important car on constate une certaine crispation sur ce point. Mais tout comme il n’y a pas de patient standard, il faut préserver cette biodiversité de médecins généralistes. Sans oublier la santé planétaire, qui est également une forme de fraternité.
Pour permettre une égalité d’accès, toutes les sessions de la Wonca Europe seront bilingues et transcrites et traduites en direct. C’est important pour nous, Français, qui sommes connus comme peu fluent dans la langue de Shakespeare. Ça, c’est déjà du concret dans l’égalité d’accès.
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