Le Dr Latifa Miqyass, médecin généraliste dans le Loiret (45), a longtemps subi une charge mentale considérable. Installée en libéral dans un désert médical, elle s’imposait un rythme d’enfer pour gérer le flux continu de patients dans son cabinet. Avant de s’occuper, le soir venu, de ses deux filles en bas âge… Une situation de stress permanent qu’elle a réussi à « gérer » le jour où elle a compris qu’elle n’était « pas irremplaçable, que tous mes patients n’allaient pas mourir si je fermais le cabinet, que ce n’était pas grave si je prenais des jours de repos ou des vacances ». Aujourd’hui, elle travaille « toujours autant, mais différemment ». Elle partage son cabinet avec deux autres médecins, a « revu ses exigences à la baisse » et a « appris à déléguer ».
Généraliste homéopathe et mère de quatre enfants, le Dr Christine Bertin-Belot a réussi à mener de front une vie professionnelle et une vie personnelle bien remplies. Notamment « grâce à l’aide de la nounou » qui venait tous les deux jours. Pour ce médecin, il est indispensable de savoir se préserver pour ne pas s'enfoncer progressivement. « Les femmes ont beaucoup de tâches à effectuer quand elles rentrent à la maison. Le seul moyen d’arriver à faire beaucoup de choses sans se retrouver en burn-out, c’est de bien répartir son temps de travail, de déléguer, de s’accorder des temps de repos et de détente. »
Rituels et gestion du temps
Chirurgien thoracique et cardiovasculaire, le Dr Sophie Bauer a mis en place un « petit rituel » consistant à « se poser de temps en temps pour prendre un thé ». Pour tenir sur la durée, dans une spécialité encore peu féminisée (entre 2010 et 2020, la proportion de femmes chez les spécialistes chirurgicaux est passée de 22,8 % à 31,3 %, selon le dernier atlas démographique de l'Ordre), elle s’octroie « un stage de danse anti-burn-out par an ». Et depuis le jour où sa secrétaire a déposé une pendulette sur son bureau « pour l’aider à mieux gérer son temps », elle a considérablement réduit sa durée de consultation et recentré ses priorités. De son propre aveu, elle avait tendance à prendre un retard considérable, en jouant les rôles du « chirurgien, de l’assistante sociale, de mère Teresa, de l’ami sur l’épaule de qui on s’épanche. »
Une démultiplication des rôles fréquente chez les femmes médecins. Pour le Dr Isabelle Sauvegrain, praticien expert en promotion de la santé et en prévention, soigner sans s'épuiser est le grand défi des soignantes. « Les patients vont plus facilement se confier aux femmes qu’aux hommes » en raison de leur côté « assistante sociale », explique-t-elle. Il est d’autant plus important pour elles de « prendre le temps de faire le point régulièrement pour évaluer et gérer au mieux leur charge mentale ».
Dans ce bilan personnel, les plateaux de la balance doivent être équilibrés. D’un côté, les ressources à disposition du médecin (secrétariat, assistant médical, équipe, réseau d'entraide, etc.), de l’autre, les paramètres variables de sa charge mentale (quantité de travail administratif, difficultés personnelles, organisation familiale et domestique, etc.) Pour éviter l’épuisement, il faut donc veiller à « faire le tri dans les éléments de la charge mentale pour augmenter ses ressources et sa capacité à faire face ».
Le médecin recommande de se poser la question suivante : « Qu’est-ce que je peux faire pour augmenter ma zone de confort ? Améliorer mon hygiène de vie, réorganiser mon cabinet, mon environnement, me faire plaisir, avoir des activités culturelles ou artistiques… » Des conseils qui peuvent sembler triviaux, mais qui sont très difficiles à appliquer. « Surtout, souligne le Dr Sauvegrain, quand vous avez une salle d’attente pleine, le téléphone qui sonne en permanence et des enfants à élever. »
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