« Je ne m’attendais pas à être “bouffée” par mon métier, par les patients à ce point. » Le Dr Sandrine Aurelle fait ce constat amer un peu plus d’un an après son installation dans un petit village de l’Ain, à Saint-Didier-sur-Chalaronne.
Des journées de 12 à 13 heures, des consultations le samedi matin qui se prolongent jusqu’en milieu d’après midi, les visites entre midi et deux, les dimanches passés à faire de l’administratif, des patients toujours plus accaparants... Après le départ de deux médecins dans la communauté de communes de 10 000 habitants, la charge de travail est rapidement devenue ingérable pour cette généraliste de 31 ans, mère de plusieurs enfants.
Il y a quelques semaines, elle s’effondrait en larmes dans son cabinet, épuisée. « Je n’y arrivais plus, confie-t-elle au « Quotidien ». Je rentrais parfois chez moi à 21h30-22h, j’arrivais toujours plus tôt le matin... Je m’épuisais à vouloir tout donner mais j’allais droit dans le mur. »
Le médecin songe alors à raccrocher. « C’est vrai que je me suis posé la question de partir, de trouver de meilleures conditions d’exercice. Mais j’aurais eu le sentiment d’abandonner mes patients, de les trahir. » Dans le village, les habitants s’inquiètent d’un départ, une pétition de soutien circule.
Plus de mails ni de réservation en ligne
Opiniâtre, le Dr Aurelle ne lâche pas. Après un break forcé de quelques jours, elle prend des mesures radicales. Dans la salle d’attente, un règlement intérieur rappelle désormais le fonctionnement du cabinet médical : prise de rendez-vous, délai d’attente, gestion des urgences, durée des consultations... Le Dr Aurelle met les points sur les « i », au risque de froisser certains malades.
Plus question de se laisser déborder par les patients irrespectueux à qui tout semble dû, qui s’invitent en pleine consultation ou harcèlent le médecin pour décrocher un rendez-vous d’urgence, réclamer une ordonnance… Une secrétaire, présente physiquement au cabinet (à temps partiel), filtre la patientèle.
« Devant trop d’abus, voire de harcèlements », le médecin ferme sa messagerie électronique. « Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter, des patients qui m’envoyaient une photo de leur panaris et qui me demandaient une ordonnance à récupérer le midi... C’était devenu impossible », raconte le Dr Aurelle. Elle met également fin au système de réservation en ligne : « Trop de rendez-vous non honorés » sans prévenir, justifie-t-elle.
« Ordonnance drive », médecin fast food
La généraliste appelle ses patients à plus de responsabilité. Elle dénonce une forme de surconsommation médicale. « Certains jours, le cabinet, c’est ”ordonnance drive”, de la médecine fast food», ironise-t-elle.
La solution : éduquer les patients. « La gorge qui gratouille, le nez qui coule, ce n’est pas un motif d’urgence. Un certificat pour le sport non plus. Il faut leur expliquer qu’ils doivent prendre RDV. J’apprends aussi à dire non, à mettre des limites. »
Depuis la mise en place de ces mesures, le message passe, de nombreux patients ont pris conscience de la situation, juge le Dr Aurelle. Ceux qui n’acceptent pas les règles sont invités à consulter un autre médecin.
La généraliste sait que la solution passe aussi par l’arrivée de jeunes médecins sur le territoire. Malgré des dizaines de mails envoyés, des contacts avec l’ARS, ses initiatives sont restées infructueuses. Mais le Dr Aurelle insiste. À l'avenir, elle aimerait devenir maître de stage, « pour accueillir des internes, leur donner le goût de cette médecine de terrain ».
Avec un ou deux confrères de plus, un secrétariat, elle est persuadée que les conditions de travail seraient excellentes. C’est à cette condition quelle conservera le plaisir d’exercer ce métier qui la passionne. « Au cabinet, j’ai la chance de toucher à tout. Je fais de la pédiatrie, de la gynéco, de la gériatrie… J’ai toujours voulu faire cette médecine, exercer à la campagne. J’adore ce métier ! », s’enthousiasme la jeune femme, pleine d’énergie.
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