Donner, c'est donner. Reprendre, c'est voler. Depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux, des médecins libéraux s'étonnent de se voir notifier par leur CPAM des réclamations d'indus au titre du dispositif d'indemnisation pour perte d'activité (DIPA) en raison du Covid.
Quelques dizaines d'euros pour les uns mais jusqu'à 30 000 euros pour un praticien, identifié par la FMF, qui estime que 43 % des praticiens libéraux doivent aujourd'hui rendre de l'argent. La CSMF affirme que 26 000 médecins sont concernés.
#DocTocToc #DIPA
— Richard Talbot (@RichardTalbot9) August 30, 2021
Les résultats du DIPA sont tombés. C’est aussi mauvais et bidonné que ce que je dénonce depuis 1 mois ½.
Vous êtes concernés ?
Je mets ce soir la marche à suivre.
Procédure déclarative
Rien d'anormal cependant dans la mesure où, au printemps 2020, l'Assurance-maladie avait versé, en moyenne, à 70 000 médecins libéraux, généralistes et spécialistes, respectivement 3 482 euros et 8 944 euros d'avance, puis un complément en fin d'année de respectivement 373 euros et 2 390 euros.
À la CNAM, on rappelle que ce dispositif avait été créé pour parer à l'urgence et permettre aux professionnels de santé libéraux dont l'activité s'effondrait à cause du premier confinement de pouvoir faire face à leurs charges fixes. D'où la mise en place de ce mécanisme d'avance et d'une procédure déclarative par les médecins.
Calculs consolidés
Mais à la fin de l'été, les caisses primaires ont procédé à une vérification des déclarations des médecins et ont consolidé les calculs. Globalement, la balance est en défaveur de l'Assurance-maladie qui a rajouté 142 millions d'euros au pot. Côté praticiens, il y a une majorité de « gagnants », qui avaient sous-déclaré leurs honoraires, auxquels les caisses ont versé un complément fin août. Mais il y a aussi de nombreux « perdants » qui avaient sur-déclaré, souvent de bonne foi comme l'admet la CNAM, et à qui, les caisses primaires ont commencé depuis le début de la semaine à notifier des indus.
Un courrier devrait suivre rapidement les informant des modalités de régularisation via un téléservice leur donnant le détail du calcul. Une mesure du prochain budget de la Sécurité sociale devrait même permettre un échelonnement des remboursements jusqu'à 12 mois, selon nos informations. L'Assurance-maladie a fait de la « pédagogie » auprès des syndicats nationaux mercredi soir puis au niveau local. « Nous n'accusons les médecins d'aucune faute » insiste-t-on en off au siège de la CNAM, rappelant également l'importance de l'aide financière apportée aux libéraux : 1,1 milliard d'euros en 2020.
Deuxième lame
Si de son côté, l'Assurance-maladie calme le jeu aujourd'hui, c'est parce que tous les syndicats sont montés au créneau sur ce terrain. Pour l'UFML, le DIPA est carrément une « arnaque ». « Alors que le Ségur de la santé s’est transformé en Ségur de l’hôpital, la CNAM fait office de deuxième lame en reprenant d’une main ce qu’elle avait consenti à donner de l’autre, en compensation de la perte d’activité des médecins libéraux au début de la crise sanitaire », dénonce le syndicat. Il invite les confrères « dès réception de la notification écrite de ce qu’on vous réclamerait, à contester cette décision dans un premier temps par courrier recommandé avec accusé de réception à votre CPAM et à la commission de recours amiable de votre caisse » et s'engage à « défendre chaque confrère au cas par cas ».
En réalité, le cœur du litige se situe dans ce qu'il convenait de déclarer au titre des revenus 2019 pour estimer la perte de rémunération. Lors des négociations du début de confinement, la CNAM aurait assuré aux représentants syndicaux que tous les revenus 2019 seraient pris en compte. Aujourd'hui, elle explique que la comparaison devait se comprendre sur les seuls actes et non les rémunérations forfaitaires qui, elles, n'avaient pas vocation à être affectées par le confinement.
Imbroglio sur les forfaits
Le problème est que le décret 2020-1807 du 30 décembre 2020, qui remet au propre le mode de calcul de l'aide, indique qu'il convenait de reporter pour les revenus de 2019 « le montant total des honoraires sans dépassement perçus », ce qui signifie littéralement les actes et également les forfaits.
« Beaucoup de médecins l'ont compris comme cela, d'autant que c'est ce que nous avait dit le directeur de la CNAM, explique le Dr Richard Talbot, militant de la FMF, expert maison des questions juridiques. Certains ont déclaré les forfaits médecin traitant, les diverses majorations, les forfaits structure ou encore les rémunérations liées aux déserts médicaux. Il n'est écrit nulle part explicitement dans les décrets que les forfaits sont exclus ». En revanche, le décret mentionne pour la valeur à déclarer pour 2020 « des honoraires sans dépassement facturés ou à facturer ». Dans ce cas, il ne peut s'agir, par définition, que d'actes puisque les forfaits ne sont pas facturés par le médecin.
Boulette juridique dans la rédaction du décret ou mauvaise foi de la caisse, comme le font valoir les deux syndicats ? « Ces demandes de remboursement vont créer du mécontentement chez les médecins concernés juste au moment où on leur demande de prêter main-forte pour la vaccination, souligne le Dr Talbot. Nous demandons le respect de la parole donnée au printemps de l'année dernière. La FMF est en train de faire un recensement des médecins concernés pour les aider à contester juridiquement les réclamations d'indus sous la forme d'une action commune ».
Sur Twitter, MG France a indiqué de son côté mercredi soir qu'il « exige donc une transparence totale sur les chiffres affichés, les modes de calcul retenus, l’ampleur du phénomène et le montant des indus demandés aux médecins libéraux ».
Info Express : On ne nous DIPA tout !
— MG FRANCE (@MG_France) September 1, 2021
Rentrant de vacances, de nombreux médecins libéraux, notamment généralistes, ont eu la désagréable surprise de devoir rendre une partie de leur Indemnisation pour Perte d’Activité (DIPA) à l’assurance maladie…
à dérouler… pic.twitter.com/9Aj6xAoZQG
La CSMF a également mis en ligne des explications techniques.
#DIPA : Le compte est là ?
— CSMF_officiel (@CSMF_officiel) September 2, 2021
https://t.co/EzCmLT7cmO pic.twitter.com/TqvuQP4zOC
La centrale de Jean-Paul Ortiz a réclamé mercredi, lors d'une réunion avec le directeur général de la CNAM, la mise en place d'un « groupe technique national qui serait un recours pour tout médecin s'estimant injustement lésé ».
Dans cet imbroglio juridique de rentrée, reste à voir ce qui vaut le mieux, entre un bon compromis et un mauvais procès.
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