Un médecin généraliste de 62 ans a été condamné le 16 juillet par le tribunal correctionnel de Nantes à deux ans de prison avec sursis, assortis d'une interdiction d'exercer pendant cinq ans, pour avoir délivré indûment des prescriptions de prégabaline, un anti-épileptique détourné en drogue.
Le praticien nantais, jugé pour escroquerie, prescription non-conforme de ce médicament classé comme stupéfiant et mise en danger d'autrui, était soupçonné d'avoir délivré 541 prescriptions à 106 patients de manière indue. Il a également été condamné à une amende de 50 000 euros.
Menaces et retard de prise en charge
Lors de son jugement, le médecin généraliste a affirmé avoir délivré des ordonnances « en attendant que le patient soit pris en charge » par un addictologue. « Le sevrage brutal peut entraîner des crises convulsives », a-t-il souligné.
Il a également expliqué avoir fait l'objet de menaces de la part de patients. « On sait que dans l'état de manque, il y a des risques d'impulsivité. J'ai pu faire la prescription pour protéger mon intégrité physique », a-t-il affirmé. L’omnipraticien a toutefois regretté de ne pas avoir formulé « un appel à l'aide nécessaire » auprès des autorités.
Plusieurs patients ayant reçu des prescriptions de cette « drogue du pauvre » à répétition entre 2021 et 2023 ont été entendus lors de l'enquête, expliquant avoir souffert d'addiction et avoir connu ce praticien par le bouche-à-oreille. D'après l'enquête, le médecin a prescrit dans certains cas des doses deux fois supérieures à la posologie maximale.
Son avocat, Me Matthieu Creach, avait demandé au tribunal de ne pas prononcer d'interdiction d'exercer, soulignant que les 541 ordonnances représentaient « une goutte dans la pratique » de ce médecin répondant présent auprès d'une patientèle défavorisée quand « les créneaux Doctolib sont pleins et les urgences débordées ». Il a déclaré que son client se réservait la possibilité de faire appel.
Plus grand prescripteur de prégabaline de la région
Le généraliste avait déjà fait l'objet de mises en garde du conseil de l'Ordre des médecins de Loire-Atlantique – partie civile au procès – quant à ses prescriptions d'un opioïde en 2011, puis d'un médicament de substitution à l'héroïne en 2017.
Fin 2023, des pharmaciens nantais avaient fait part aux autorités de leurs doutes quant à la régularité d'ordonnances de prégabaline, émanant d'un même médecin. Il a été identifié par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), également partie civile, comme le plus grand prescripteur dans les Pays de la Loire.
Commercialisée sous le nom de Lyrica depuis 20 ans en France et prescrite pour traiter notamment l'épilepsie et les douleurs neuropathiques, la prégabaline est depuis plusieurs années détournée pour ses effets anxiolytiques et euphorisants.
Face à l'augmentation des cas d'abus, de dépendance, de mésusage et d'ordonnances falsifiées, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a restreint en mai 2021 les conditions de prescription de la prégabaline, qui fait désormais l'objet d'une ordonnance sécurisée.
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