Le paiement forfaitaire intégral sous forme de capitation, marotte d’Emmanuel Macron, séduira-t-elle des médecins libéraux, pour l’instant très réticents ? En 2024, le chef de l’État avait affiché sa volonté de réformer progressivement le mode de rémunération des libéraux pour mettre fin à la « course à l’acte », jugée inflationniste. Un mot d’ordre suivi par la Cnam qui a introduit dans la nouvelle convention médicale le principe d’un « dispositif collectif de rémunération forfaitaire », substitutif à l’acte, uniquement réservé à des équipes de médecins volontaires, sous une forme expérimentale. Une façon d’avancer à petits pas…
Mi-mai, l’Assurance-maladie a lancé un appel à candidatures pour identifier les libéraux volontaires afin de tester ce paiement collectif en cabinet de groupe ou en maison de santé. Un cahier des charges détaillé a ainsi été élaboré pour cadrer ce dispositif (équipes éligibles, périmètre, calcul des forfaits/patient, calendrier de versement, engagements réciproques, etc.) qui a vocation à évoluer après les retours des quelques expérimentations dérogatoires de ce paiement en équipe de professionnels de santé en ville (ou PEPS).
Trois médecins généralistes minimum !
Pour être éligible à cette rémunération forfaitaire new-look, l’équipe pluripro doit être composée au minimum de quatre professionnels de santé conventionnés volontaires dont « au moins trois médecins généralistes et au moins un infirmier salarié ou libéral », exerçant en MSP ou en cabinet de groupe. Selon le cahier des charges, le seuil de la patientèle médecin traitant des généralistes adhérant à cette option doit atteindre (en cible) 920 patients par médecin travaillant cinq jours par semaine au cabinet. Le paiement forfaitaire qui se substitue à l’acte ne concernera que l’activité de médecine générale avec pour périmètre les consultations et visites, majorations associées et exercice en permanence des soins ambulatoires (PDSA).
Côté rémunération, chaque patient de médecin traitant se voit attribuer un forfait selon l’âge, le sexe, la présence d’ALD spécifiques ou encore l’adhésion à la complémentaire santé solidaire (C2S). La rémunération globale de l’équipe est obtenue en additionnant les forfaits individuels, prime ajustée selon les territoires. L’Assurance-maladie a prévu deux modalités de versement : soit à la structure sous le statut de Sisa (au nom de l’équipe volontaire), soit à chaque membre engagé (un médecin percevant le montant généré par sa patientèle médecin traitant).
Dans ce premier cahier des charges, aucun montant annuel n’est précisé, hormis « une avance de 90 euros par patient », lorsque l’équipe intègre un confrère nouvellement installé. D’où cet exemple unique fourni par la Cnam, expliquant que la rémunération annuelle d’un jeune généraliste en constitution de patientèle serait de 37 620 euros (pour une moyenne de 418 patients). Mais pour chaque équipe candidate, la Cnam promet de proposer dès le 30 juin une simulation individuelle chiffrée.
Bricolage et usine à gaz ou opportunité ?
La volonté de la Cnam d’avancer sur ce terrain peine à convaincre la profession, toujours très sceptique sur le basculement vers un modèle forfaitaire. Pourtant ouvert à la diversification de la rémunération, MG France n’encourage pas les confrères à se lancer. « Le risque est de voir la rémunération forfaitaire stagner. Rappelez-vous : le point de la Rosp est resté bloqué à sept euros », analyse le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat. De surcroît, ajoute le syndicaliste, « le gouvernement a choisi de généraliser aux libéraux le système expérimental Peps qui n’a pas fonctionné, donc ça ne marchera pas ».
Le risque est de voir la rémunération forfaitaire stagner
Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France
Le SML juge cette logique forfaitaire intégrale pas du tout adaptée à la médecine libérale. « C’est une usine à gaz », tranche sa présidente Sophie Bauer. Du côté de l’UFML-S, le Dr Jérôme Marty a fait ses calculs et dénonce « l’affront fait à la médecine générale. Quel généraliste suivra un patient pour 90 euros par an ? Une IPA reçoit en moyenne 200 euros pour les consultations de suivi. C’est du bricolage ». Chef de file des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel se montre moins sévère. Le médecin mayennais estime que « certaines organisations de médecins libéraux qui ont déjà testé le Peps peuvent se montrer intéressées, à condition que la Cnam accompagne les équipes avec un financement plus incitatif ».
Autre avis plus favorable : le Dr Pascal Gendry, président du mouvement AVECSanté, qui défend l’exercice coordonné en équipe et en maison de santé, juge que ce paiement forfaitaire pourrait séduire des « MSP matures avec des médecins qui souhaitent changer leur mode d’organisation ». Mais le généraliste ne s’avance pas sur le nombre d’équipes qui pourraient être candidates aujourd’hui, une information sur laquelle la Cnam reste également discrète. La capitation souhaitée par Emmanuel Macron devra décidément faire ses preuves.
Les centres de santé très intéressés
La Dr Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires), ne fait pas mystère, elle, de son intérêt pour la capitation, à l’heure où s’ouvrent des négociations avec la Cnam. « Pour nos structures, évoluer vers une rémunération avec une partie à la capitation nous paraît totalement adapté à notre activité. Et puisque les syndicats de libéraux ont massivement fait part de leur hostilité à la formule, pourquoi ne pas commencer par nous, les centres de santé ? », avance la cheffe de file de la FNCS. Les ex-dispensaires souhaitent même aller plus loin avec un paiement forfaitaire fondé sur la « patientèle équipe traitante ». « Cette modalité permettrait de prendre réellement en compte notre prise en charge globale et pluridisciplinaire », argumente la Dr Colombani. Premiers éléments de réponse, le 9 juillet, avec un groupe de travail conventionnel sur les nouveaux modes de rémunération, dans le cadre de la renégociation de l’accord national entre les centres de santé et la Cnam.
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