C'était dans les tuyaux depuis des années, la prescription pharmaceutique devient réalité. Depuis la publication de textes réglementaires au « Journal officiel » du 9 août, les officinaux sont autorisés non seulement à dispenser et administrer, mais également à prescrire les vaccins obligatoires et recommandés au calendrier vaccinal, aux personnes âgées d’au moins 11 ans. « Ce droit a été adopté par une loi en 2019 sous l'impulsion d'Agnès Buzyn, a rappelé Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), lors d'un point de presse de rentrée. Mais depuis, nous avions dû surmonter un certain nombre d'obstacles ».
La force du réseau officinal
Allusion notamment aux réticences des médecins libéraux. Au début de crise sanitaire, leurs syndicats avaient exprimé leurs réserves, voire leur hostilité, à l'idée que les pharmaciens puissent réaliser des primoinjections et prescrire des vaccins. Le gouvernement n'a cessé depuis d'afficher sa volonté d'élargir les compétences des officinaux pour assurer la couverture vaccinale et améliorer l'accès aux soins, grâce à leur maillage territorial.
Le projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 devrait acter une autre évolution : la possibilité pour les officinaux de délivrer directement des antibiotiques contre les cystites et les angines, sans passer par la case médecin, après avoir réalisé un test. Là aussi, la volonté du gouvernement est claire : aller au-delà du cadre de coopération interprofessionnelle existant, jugé trop restrictif. Jusqu'à présent, seuls les pharmaciens intégrés dans une organisation structurée (maison de santé, centre de santé et CPTS) pouvaient prendre en charge cystites et angines à travers des protocoles interpro définis. Plusieurs syndicats de médecins dont MG France, la FMF ou la CSMF ont dénoncé respectivement une politique de « replâtrage », une« rustine » ou un « cache-misère » qui néglige « la globalité du problème que pose la pénurie médicale ».
Arbre décisionnel
Au nom des pharmaciens, Philippe Besset (FSPF) assume la délivrance directe des antibiotiques concernés, en se gardant de parler de prescription. « Il s'agit désormais d'autoriser le pharmacien hors exercice coordonné à réaliser le bilan selon un arbre décisionnel validé par la Haute Autorité de santé pour déterminer s'il y a délivrance ou non », explique-t-il. Le pharmacien de Limoux, qui vient parallèlement d'être élu à la tête des Libéraux de santé (LDS), défend même cette avancée sur le plan du parcours de soins. « Dans notre dispositif, le compte rendu est donné au médecin traitant et non au médecin délégant qui n'est pas forcément le médecin traitant du patient. Le lien entre le pharmacien et le médecin traitant est donc préservé », assure-t-il.
D'autres élargissements de compétences aux pharmaciens sont-ils à l'étude ? « Nous sommes prêts à participer aux actions de santé publique, expose Philippe Besset. Mais notre métier est la délivrance de médicaments, qui représente 80 % de la rémunération de l'officine. Nous devons nous concentrer sur les honoraires de notre métier ».
Un pharmacien à la tête des Libéraux de santé
Faut-il y voir un autre signe de la montée en puissance des pharmaciens dans la première ligne de soins ? Élu à l’unanimité, le pharmacien Philippe Besset présidera pendant deux ans l'organisation intersyndicale des Libéraux de santé (LDS), qui regroupe 10 syndicats de professionnels de santé libéraux (CDF, CSMF, FFMKR, FNI, FNO, FNP, FSPF, SDA, SDBIO et SNAO). Celui qui est aussi président de la FSPF succède à Sébastien Guérard, kiné libéral, élu de son côté président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS).
Sa feuille de route vise à transformer les métiers (sans déréguler), animer la coordination de proximité, décloisonner la prévention ou encore garantir la sécurité des libéraux. Philippe Besset apporte au passage son soutien à la prochaine négociation des médecins. « Si elle n’aboutit pas, prévient-il, il n’y a aucune chance que les médecins soient au rendez-vous du partage des compétences, de l’entrée dans la coordination et d’une volonté de travailler avec l’hôpital ».
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