L'offensive gouvernementale en faveur de l'élargissement des compétences des pharmaciens provoque déjà des remous. L'exécutif a annoncé que les officinaux pourraient délivrer directement des antibiotiques contre les cystites et les angines, sans passer par la case médecin, après avoir réalisé un test rapide d'orientation diagnostique (Trod). Ces missions seront actées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024 pour application en janvier.
Lever des verrous
La volonté affichée du gouvernement est claire : aller au-delà du cadre de coopération interprofessionnelle existant, jugé trop restrictif. Jusqu'à présent, seuls les pharmaciens intégrés dans une organisation structurée (maison de santé, centre de santé et CPTS) pouvaient prendre en charge cystites et angines à travers des protocoles de coopération interpro bien définis. L'idée est donc de lever certains verrous, tout en préservant la qualité de la prise en charge.
Dans un contexte déjà tendu avec la médecine libérale, cette décision attise à nouveau la colère médicale. Du côté de MG France, de la FMF ou des Généralistes-CSMF, on dénonce respectivement une politique de « replâtrage », une « rustine » ou un « cache-misère » qui néglige « la globalité du problème que pose la pénurie médicale ». « C'est une méconnaissance totale de notre métier. Et c'est dangereux pour les patients en cas de complications », enfonce la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF.
Mettre la clé sous la porte
Après l'échec des négos en février avec l'Assurance-maladie, ce transfert d'actes simples – à la faveur d'annonces ministérielles subites – est parfois vécu comme une menace pour la stabilité économique des cabinets médicaux libéraux.
« Payer 25 euros pour ces consultations simples nous permet d'avoir un peu la tête hors de l'eau, explique le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France. Si on nous les retire sans compenser avec un tarif plus élevé pour les actes complexes, on finira par mettre la clé sous la porte ».
Patron d'AVECsanté (Avenir des équipes coordonnées), le Dr Pascal Gendry dénonce de son côté le risque de désorganisation, voire de dérégulation, du système de santé. « Nous avons fixé un cadre de communication des professionnels au sein d'une équipe de soins traitante pour sécuriser les patients, cadre le généraliste mayennais. Mais là, le gouvernement a décidé de faire fi de cette coordination. Ce n'est pas une bonne évolution ».
Moins d'antibiotiques ?
À l’inverse, les pharmaciens saluent une évolution réclamée de longue date. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) fait valoir que les cystites touchent un grand nombre de femmes, souvent désarmées pour trouver une solution. « Lorsque ça leur arrive le week-end et qu’il n’y a pas de médecins, on est obligé de leur dire d’aller aux urgences », indique son président Pierre-Olivier Variot.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) salue un tournant important pour les officinaux. Son président, Philippe Besset, affirme que cette mesure permettra à la fois d'améliorer le bon usage des antibiotiques « en ayant moins recours à l'amoxicilline grâce à l'utilisation large des Trod, ce que ne font pas toujours les médecins » et de « simplifier » le parcours des patientes atteintes d'infection urinaire. Quid des retours d'informations avec les médecins sur ces prescriptions ? Philippe Besset se veut affirmatif. « Ces échanges se font via le logiciel Ségur dont les officinaux sont quasiment tous équipés ».
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