Le chantier de la CCAM technique est colossal mais il progresse dans l’ombre, en marge des incertitudes politiques et conventionnelles. « Oui, les choses avancent plutôt bien compte tenu de l’ampleur du travail », confie le Dr Christian Espagno, vice-président du Haut conseil des nomenclatures (HCN). Cette refonte complète de la grille des actes médicaux techniques, qui doit aboutir à la mise à jour de la nomenclature actuelle (y compris en supprimant les actes obsolètes et en décrivant de nouveaux libellés) entre dans sa deuxième grande phase : la hiérarchisation des actes, préalable à la fixation des nouveaux tarifs CCAM. Un chantier jugé « hautement sensible » par le Dr Franck Devulder, patron de la CSMF.
La première étape, achevée, a donc porté sur la re-description des 13 800 libellés CCAM afin de les adapter « aux pratiques et techniques médicales actuelles ». De fait, ces dernières ont fortement évolué au cours des deux dernières décennies et la CCAM ne décrit plus correctement la totalité des actes réalisés au quotidien. Cette absence de révision conduit à une perte d’efficience : des actes obsolètes subsistent à la CCAM tandis que des actes récents et fréquents ne sont pas eux-mêmes mentionnés. Sur les 13 800 actes, « 40 % ont été modifiés toutes spécialités confondues », confie le Dr Espagno. Environ 1 200 actes ont nécessité un avis de la HAS, parce que des libellés ont été soit ajoutés soit supprimés.
Depuis plusieurs mois, les équipes du HCN travaillent sur la hiérarchisation des actes : il s’agit de donner une valeur en points travail (score) à chaque acte technique, en fonction de « l’importance et de l’intensité du travail médical ». De cette valeur dépendra « en grande partie la tarification elle-même », contextualise le Dr Espagno. À ce jour, 40 % de cette hiérarchisation a été réalisée dans une vingtaine de spécialités. « L’objectif demeure de terminer fin 2026 afin de pouvoir transmettre cette CCAM rénovée et actualisée aux partenaires conventionnels qui la traduiront en avenant », précise le neurochirurgien libéral. Au passage, ce travail de bénédictin aura un impact direct sur l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam), dont la refonte est en cours parallèlement, et donc sur la rémunération des spécialistes concernés.
Chantier ralenti
Le calendrier a toutefois pris un peu de retard. « Il y a un petit décalage par rapport à nos ambitions initiales », reconnaît le vice-président du HCN. En cause : le manque de ressources expertes au département des actes techniques (Dact) de la Cnam. « Lors des premiers travaux de refonte de la CCAM au début des années 2000, environ 22 médecins du Dact y travaillaient. Depuis 2021, ils ne sont plus que 7 », déplore le médecin spécialiste. Et d’ajouter, fataliste : « Thomas Fatôme (le directeur) et Marguerite Cazeneuve (directrice déléguée) le regrettaient beaucoup mais, compte tenu des contraintes budgétaires, il était impossible de mettre davantage de médecins à disposition du HCN », avance le spécialiste.
Malgré cet effectif restreint, le Dr Espagno salue « le gros effort » et « la parfaite bonne volonté » des équipes qui travaillent sur ce chantier de la nomenclature. Et se montre confiant pour les mois qui viennent : la phase de hiérarchisation, moins lourde que la précédente, devrait permettre d’accélérer la cadence. Le premier enjeu est d’aboutir à une hiérarchisation « intra-famille », consistant à ordonner les actes au sein d’une même spécialité. « Par exemple, en rhumato, un acte de référence est choisi par le comité clinique. Les autres actes sont ensuite étalonnés par rapport à ce repère : certains vaudront la moitié, d’autres le double », illustre-t-il. Cette méthode se décline dans 42 familles médicales concernées. Viendra ensuite la hiérarchisation « inter-famille », destinée à harmoniser les valeurs entre disciplines. « Le HCN devra redoubler de vigilance pour que les coordinations se fassent dans d’excellentes conditions, afin d’éviter qu’une famille ne soit favorisée par rapport à une autre », insiste-t-il.
Vers une nomenclature plus vivante
Dans une dernière phase, les nouveaux tarifs CCAM résulteront de l’application directe de la nouvelle hiérarchisation des actes et de la réévaluation des coefficients de charge par spécialité ou famille d’actes. Côté ressources, les partenaires conventionnels ont sanctuarisé l’équivalent de 240 millions d’euros supplémentaires afin de réévaluer les actes qui le nécessiteront à l’échéance du chantier.
Le Haut conseil des nomenclatures espère éviter l’obsolescence ayant frappé la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), grâce à la mise à jour plus régulière des libellés. « Il ne faut pas croire qu’une fois la refonte faite, le travail est terminé », avertit le Dr Espagno. Le HCN prévoit ainsi d’élaborer une méthodologie de maintenance « au fil de l’eau » permettant de réviser les actes sur un cycle de cinq ans. Cette proposition sera finalisée en 2027. « Notre ambition, c’est de garantir que la CCAM ne soit plus figée mais évolutive, synthétise le Dr Christian Espagno, c’est-à-dire en phase avec les pratiques et les progrès médicaux. »
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