On connaissait bien le concept du sport sur ordonnance, né en 2010 à Nantes, popularisé à Strasbourg avant d’être généralisé à l’échelle nationale en 2016 sous l’impulsion de la ministre de la Santé Marisol Touraine. L’histoire des ordonnances vertes est un peu moins familière.
Tout commence à Strasbourg lors des élections municipales de 2020, avec une initiative portée par le Dr Alexandre Feltz, médecin généraliste et membre de l'équipe de campagne de Jeanne Barseghian, actuelle maire de la ville. « Je lui ai présenté cette idée, dans laquelle je plaçais beaucoup d'espoir, et elle s'est rapidement transformée en un engagement de campagne », se remémore l’omnipraticien, nommé par la suite adjoint à la santé publique et environnementale.
Éco-conseillers et nutritionnistes spécialisés
En novembre 2022, le projet se concrétise sous la forme d'une expérimentation. L'objectif est simple : offrir un accompagnement global aux femmes enceintes afin de limiter leur exposition aux perturbateurs endocriniens pendant cette période à haut risque tout en leur fournissant des clés pour adopter de bons réflexes pour l'avenir. « Les perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A, phénols, etc. ) ont des effets prouvés sur la santé, notamment chez les femmes enceintes, les enfants et les adolescents. Plus de 98 % des femmes enceintes sont exposées à ces substances, ce qui augmente le risque pour l'enfant de développer des troubles du développement, des troubles de la fécondité, des troubles de l'attention, du spectre autistique et de cancers hormonaux, souligne le Dr Alexandre Feltz. Les preuves s'accumulent pour démontrer qu’ils ont des effets négatifs sur la santé, ce qui a poussé la ville de Strasbourg à agir pour protéger les femmes enceintes. »
Les professionnels de santé jouent un rôle-clé en tant que porte d’entrée dans le dispositif
Dr Alexandre Feltz, généraliste et adjoint à la maire
Que fait concrètement la municipalité pour verdir les habitudes et les pratiques des futurs parents ? Cela se traduit par la distribution hebdomadaire, pendant une durée de 2 à 7 mois selon les revenus, de paniers de légumes bio et locaux, accompagnée d'ateliers de sensibilisation animés par des éco-conseillers et des nutritionnistes spécialisés en santé environnementale. « La première séance consiste à informer les participantes sur les sources de perturbateurs endocriniens, présents dans les plastiques, les pesticides, les produits d'entretien, les cosmétiques et les meubles. Ensuite, des solutions alternatives leur sont proposées, comme l'utilisation de produits naturels tels que le savon noir et le vinaigre », illustre l’adjoint à la santé.
Deux cents généralistes et gynécologues
Pour intégrer le programme, les patientes doivent simplement présenter à la municipalité une « ordonnance verte » délivrée par leur médecin généraliste, gynécologue ou sage-femme. « Il s’agit d’une prise en charge globale, explique le Dr Alexandre Feltz. Les professionnels de santé jouent un rôle-clé en tant que porte d’entrée dans le dispositif. Ce sont eux qui proposent à leurs patientes d’y participer tout en leur prodiguant de premiers conseils. »
Depuis le lancement de cette expérimentation, 1 800 femmes ont déjà intégré le dispositif. Entre 2024 et 2026, Strasbourg s’est fixé l’objectif d’inclure 1 500 nouvelles parturientes par an (soit près de la moitié des naissances annuelles). Du côté des prescripteurs, pas moins de 250 professionnels de santé participent au programme, dont une majorité de médecins généralistes et gynécologues (90 %), ainsi qu'un nombre plus restreint de sages-femmes (8 %). « Nous avons réussi à mobiliser environ la moitié des généralistes de Strasbourg, et ce chiffre est amené à croître », se réjouit l’élu.
Budgétisé à hauteur de 650 000 euros par an, ce « plan vert », majoritairement financé par la ville de Strasbourg, bénéficie également du soutien de l’ARS ainsi que du régime local d’assurance-maladie. En septembre, la députée écologiste Sandra Regol a déposé une proposition de loi visant à étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire national, avec un coût estimé à 700 millions d'euros par an si toutes les femmes enceintes en bénéficiaient. Une goutte d’eau au regard « des bénéfices qu’il apporte en termes de santé publique », soulignait-elle. Une étude publiée en 2015 dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism évaluait l’impact sanitaire des perturbateurs endocriniens à près de 160 milliards d'euros par an en Europe, soit 1,23 % du PIB de l’Union européenne.
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