La récente décision de la cour d’appel de Grenoble infirmant le jugement en première instance du tribunal de Valence ouvre théoriquement, la possibilité judiciaire pour les généralistes qualifiés de coter le CS. Une vision que récuse évidemment l’assurance-maladie. Et qui divise vos syndicats sur la conduite à tenir.
Autant dire que la décision de justice rendue en fin de semaine dernière a pris tout le monde court. Après l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble qui, en substance, a reconnu la légalité de la cotation CS à neuf médecins drômois qualifiés comme spécialistes de médecine générale, la profession est, sinon bouleversée, du moins clairement divisée. Et, dans un contexte conventionnel léthargique, les réactions se manifestent en ordre dispersé. Sur le terrain, les confrères se répartissent en trois camps. Il y a les tenants d’une cotation CS systématique, les partisans de la prudence qui se demandent quelle sera la réaction des caisses, et enfin, celles et ceux qui, dans l’immédiat, se refusent à pénaliser leurs patients, d’autant que l’accès au C à 23 pourrait, enfin, se concrétiser cette année.
Côté syndicats, cinq jours après le jugement poussant la porte tarifaire de l’accès à la cotation spécialistes pour les titulaires de « la spécialité en médecine générale » - soit tout de même près de vingt mille généralistes- vos syndicats sont divisés sur la conduite à tenir. Seul, le mot d’ordre auprès de « tous les généralistes qui ne l’auraient pas encore fait, d’effectuer, dans les jours qui viennent, leur demande de qualification auprès du conseil de l’Ordre des médecins de leur département » est unanime. Pour le reste, MG-France, à l’origine de la plainte, estime, que, désormais, « les caisses ne pourront plus menacer les médecins d’amende. Prudent, le SML rappelle « que le C à 23 ne constitue pas l’unique horizon de la revalorisation réelle de la médecine générale », et l’Unof craint que ce jugement ouvre « la porte à une médecine générale à deux vitesses ».
Bref, coter CS à 23 ou ne pas coter, telle était toujours la question pour les généralistes en ce début de semaine. Logique puisque de son côté, l’assurance-maladie a été on ne peut plus claire. Dégainant, sans équivoque, dès l’annonce du verdict de la cour d’appel d’Isère : « Cette décision n’a pas autorité de la chose jugée. L’assurance maladie se pourvoit en cassation. Le tarif de la consultation de médecine générale reste à 22 euros ».
Pour autant, un pourvoi en cassation n’est pas suspensif. Les généralistes qualifiés pourraient donc bien, en masse, s’amuser à tous coter CS, et voir ce qui se passe. Surtout s’ils bénéficient du soutien de la cellule juridique intersyndicale qu’appellent de leur vœu la FMF-G et Espace généraliste. Dans certaines communes, comme à Blois, certains y sont prêts (voir témoignage ci-contre). Ce qui n’empêche pas l’assurance-maladie d’être relativement sereine et de tabler sur le processus conventionnel pour désamorcer ce nouveau conflit tarifaire potentiel. Une « réunion pour la deuxième quinzaine de mars était déjà prévue avant le prononcé de ce jugement », indique-t-on au siège de la Cnamts. « Ah bon, ironise le Dr Jean-Paul Hamon. Il serait temps de nous envoyer les cartons, car nous n’avons toujours rien reçu ». Il n’empêche, le chef de file de la FMF-G, à l’instar de la majorité de ses homologues syndicaux, est partisan de la relance « de négociations avec la Sécu, plutôt que de lancer des généralistes dans des procédures dans lesquelles ils s’épuiseront ». Cela étant, ladite Sécu aurait, selon lui, intérêt à se dépêcher, « car il n’est pas impossible que l’ensemble des syndicats se retrouve dépassé par leur base…
Dans les Vosges, c’est bien ce qu’il pourrait advenir. Le Dr Marie-France Gérard réfléchit très sérieusement à imiter la procédure de son confrère de Gérardmer, le Dr Patrick Bastien. « J’ai obtenu ma qualification en 2007, et suis, depuis, en procès avec ma caisse. Je cote CS pour mes patients CMU, la caisse primaire me rembourse sur la base de 22 euros. J’attaque donc et demande, de plus réparation de mon préjudice. Je viens d’être débouté, bien sûr, je vais faire appel ». Depuis, l’arrêt de Grenoble, le Dr Bastien a bon espoir d’aboutir. Et que son exemple fasse tache d’huile auprès de ses confrères du département. Ce sera, en tout cas l’objet de la réunion qu’ils ont programmé dans une quinzaine de jours.