La notion de « situation sanitaire exceptionnelle » (SSE) s’applique aussi bien à une maladie infectieuse à potentiel épidémique qu’à une catastrophe naturelle, à un accident technologique ou encore à un acte terroriste. Bref, elle vise « toutes les situations susceptibles d’engendrer une augmentation sensible de la demande de soins ou de perturber l’offre de soins », d’après l’ARS d’IDF. A ce jour, une trentaine de plans sont censés garantir « le continuum entre le fonctionnement habituel du système de santé et la réponse opérationnelle aux crises de grande ampleur » : plan blanc (mobilisation des établissements de santé), plan de continuité de l’activité (PCA), plan Ebola, plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur, plan novi (nombreuses victimes), plan Nutrivigilance (risques alimentaires), plan ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile), plan de pandémie grippale, plan piratair, plan Instrusair, plan pirate-mer, plan metropirate, plan pirate NRBC, plan ORSAN-AMAVI (accueil massif de victimes), plan ORSAN-BIO (gestion d’une catastrophe biologique), plan ORSAN-Clim (gestion d’une catastrophe climatique), plan ORSAN-EPIVAC (gestion d’une épidémie ou d’une pandémie), plan ORSAN-NRC (gestion d’une catastrophe nucléaire, radiologique ou chimique), plan piranet (piratage informatique), plans PPI (plans particuliers d’intervention nucléaire, hydraulique, gaz, déchets, micro-organismes pathogènes, plan Polmar (pollution maritime), plan de prévention des risques naturels (PPRN) et plan Vigipirate.
Agences, cellules, comités, conseils, départements, organisation, secrétariat…
Chacun de ces plans dessine les représentations schématiques des structures organisationnelles diverses, avec des matrices décisionnelles, des ordinogrammes et autres algorigrammes. Un rapport parlementaire dénonçait déjà en 2011 ces architectures souvent complexes et des dispositifs peu lisibles. Et c’est dans la foulée qu’ont été créées les grandes agences sanitaires (AFSSA, AFFSE, AFSET), et qu’ont vu le jour une vingtaine d’instances diverses et variées, nationales, zonales, régionales et départementales : l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (ANSES) fusion de l’AFSSA, de l’AFFSE et et de l’AFSET, les Agences régionales de santé (ARS), l’Agence de sûreté nucléaire (ASN), les Cellules régionales d’appui et de pilotage sanitaire (CRAPS), les Cellules régionales de défense et de sécurité (CRDS), les Cellules de veille, d’alerte et de gestion sanitaire (CVAGS), le Centre d’étude pour la protection dans le domaine nucléaire (CEPN), le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), le Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle (CODIRPA), le Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires (CORRUS), le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), la Délégation aux risques majeurs, le Département des urgences sanitaires de la DGS, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’Organisation de la réponse du système de santé en situation sanitaire exceptionnelle (ORSAN), ORSAN AMAVI accueil massif de victimes, Epivac (gestion d’une épidémie ou d’une pandémie) Clim (catastrophe climatique), Bio (catastrophe biologique) et NRC (catastrophe chimique), la plateforme de veille et d’urgence sanitaire (PVUS), secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), le service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (SHFDS), service zonal de défense et de sécurité (SZDS), Santé publique France (créée en 2016 à partir de la fusion de l’INPES, de l’INVS et de l’EPRUS, sur le modèle des CDC étatsuniens). Fermez le ban ! C’est peu dire qu’autant d’acteurs de la gestion des risques se télescopent, ont des compétences et des prérogatives respectives qui se chevauchent, avec des défauts de coordination à tous les échelons.
Coquilles vides et culture étatique.
« Nos experts ont mis au point tous ces plans de crise dans tous les domaines, constate l’ancien ministre de la Santé Philippe Bas, président (LR) de la commission des lois du Sénat, mais le jour où éclate la crise, on s’aperçoit que tous ces plans étaient des coquilles vides. » « Nos plans sont utiles, admet le Dr François Braun (président de l’AMUF), mais ils ne sauraient suffire si nous ne structurons pas notre démarche pour pouvoir répondre à tous les risques, y compris les plus inimaginables ». « Encore faudrait-il que les médecins soient familiarisés aux plans, or, déplore le Pr Paul Balandraud (HIA Ste Anne de Toulon), la grande majorité des hospitaliers méconnaissent ces protocoles car ils n’ont jamais participé à des exercices plans blancs ».
« Comment piloter une crise sanitaire comme la Covid-19, demande encore le spécialiste de la gestion de crise Patrick Lagadec, ex-directeur de recherche à Polytechnique, quand on est inscrit dans une telle culture étatique à la française, avec mille et une composantes qui ne communiquent pas bien entre elles et qui prévoient tout sauf évidemment l’imprévisible ? Les scénarios de gestion de crise prétendent planifier l’inconnu avec des power-points mais les catastrophes ne cochent pas leurs cases. Cette crise du Covid-19 révèle les béances en matière de dispositif sanitaire, les erreurs de communication officielle et les insuffisances dans l’anticipation. Il y a urgence, pour les crises à venir, à opérer des ruptures décisives avec une force de réflexion et de pilotage qui reste à créer. »
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Quelle médecine d'après ?
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Dans le dédale des plans de crise