Ces enfants diférents et cette pathologie mentale pas comme les autres seront sous les feux des projecteurs le 2 avril à l’occasion de la 2e Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Mobilisés pour l’ occcasion, les parents dénoncent le tout psychiatrique, alors que des solutions alternatives existent. Ainsi, l’association Léa pour Samy développe ses structures et pétitionne pour la reconnaissance de l’autisme. Le Généraliste a rencontré ces familles qui lancent également un appel aux médecins traitants.
Philippe est né en 1995. Trois ans après sa grande sœur. Aujourd’hui, le jeune ado qui fêtera ses quatorze ans le 31 mai prochain, communique de mieux en mieux. Par signes. Et verbalement, malgré encore de gros problèmes d’articulation. Mais sa compréhension du langage et des sons, s’est améliorée au point que désormais, Philippe maîtrise la lecture. « En hôpital de jour, un enfant avec un autisme accompagné d’une dysphasie aussi lourde, n’aurait jamais appris à lire. C’est bien la preuve que c’est possible, et sûrement aurions-nous eu des résultats plus importants si l’on avait su, et pu commencer plus tôt », affirme sa maman, Valérie Chaput.
Ce verdict, elle n’est pas la seule à le poser. Il est même entièrement partagé par les familles que Le Généraliste a interrogées. Autisme profond classique (autisme de Kanner) ou d’un syndrome d’Asperger (autisme de haut niveau) ? Toutes vous expliqueront en substance qu’à chaque fois le diagnostic précoce et l’orientation adaptée, donnent de vrais clés pour l’aide au développement. Sauf que ces clés, ces parents ont du se battre, le plus souvent contre les barrières du secteur psychiatrique, pour y avoir accès. A ce titre, le parcours de la famille Chaput est emblématique du retard français en matière de solutions de prise en charge et de suivi.
Effondrement des acquisitions
A sa naissance, rien ne laissait présager que Philippe puisse souffrir d’un quelconque handicap. Son développement se fait normalement. Jusqu’à ses dix-huit mois, « où nous avons alors commencé à constater l’effondrement de ses acquisitions; par exemple, il ne répondait plus à l’appel de son prénom ». Un problème d’audition ? Pas selon le médecin généraliste consulté alors, mais qui passe à côté du syndrome autistique pour avancer que Philippe souffre d’une carence affective. La recherche d’un diagnostic se poursuit, d’autant que les symptômes s’accentuent, dégradation du langage en tête. Les pistes de l’épilepsie et de la tumeur sont, après examens complémentaires, à leur tour écartées. Le diagnostic de l’autisme est finalement posé. Mais les thérapies mère-enfant proposées ne donnent aucun résultat, si ce n’est celui de faire culpabiliser la maman de Philippe. Forcément, ce déficit de communication ne peut résulter que d’une absence d’affection maternelle... Difficile de plus, malgré un employeur compréhensif, de faire le grand écart entre les heures de bureau, les sessions de thérapie hebdomadaires, et la scolarité de l’enfant. Car Philippe a désormais l’âge d’entrer à l’école. Nouvel obstacle, même si « la maternelle n’a fait aucune difficulté pour le prendre. Mais rapidement la maîtresse a été débordée et ne savait pas quoi faire avec lui ». Les crises de colère se succédant aux périodes de mutisme… Tandis qu’à l’heure de la récré, Philippe fait le tour de la cour, passant de groupe en groupe. Toujours seul.
Ce n’est que vers les six ans du petit garçon que les choses commencent à s’améliorer. « J’ai rencontré une orthophoniste qui m’a parlé de l’ABA (Analyse appliquée du comportement)». Différence d’approche essentielle. « Il s’agit de parvenir à mettre en place des modes de communication. Avec des objectifs basés sur des exercices », explique Andy Beverly, qui se bat toujours pour trouver une place pérenne dans les Yvelines pour son petit Guillaume également atteint d’autisme. « Les Anglo-Saxons sont plus que nous tournés vers l’approche comportementaliste, renchérit Valérie Chaput. Les résultats ont été indéniables, le processus de l’apprentissage a été enclenché ». Valérie ne demandait rien d’autre.
Seulement les recherches de l’interlocuteur pertinent, elle et son mari, ont dû les faire sans l’aide des professionnels de santé ou de la petite enfance. Logique, lorsque, comme le rappelait Roselyne Bachelot à l’occasion du lancement du deuxième Plan autiste (2008 – 2010), la formation à la prise en charge de l’autisme, « se résume en moyenne à deux heures dans un cursus médical de huit années ». Dérisoire, notamment au regard des statistiques publiées par le Comité consultatif national d’éthique. « La prévalence des syndromes autistiques étant de 0,6%, cela signifie qu’il y a entre 60 000 et 100 000 enfants âgés de 3 à 15 ans atteints de syndromes autistiques en France », relevaient ainsi les sages du CCNE en novembre 2007. Les pouvoirs publics commencent à apporter des débuts de réponse. Plus de quatre mille nouvelles places dédiées aux enfants autistes devraient être crées dans les cinq ans, la formation des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire aux spécificités de l’autisme sera accentuée, tandis que la Haute Autorité de santé a mission de plancher à l’élaboration de recommandations de pratique professionnelle, ainsi qu’à l’évaluation de leur mise en œuvre.
Trouver les bons interlocuteurs
Car des outils existent. Comme le questionnaire CHAT, mis au point dans les années 1990, à destination des médecins généralistes (voir article en page suivante). « Nous attendons beaucoup des généralistes. Pour peu qu’ils soient formés au diagnostic et à la prise en charge de l’autisme, ils peuvent jouer un rôle essentiel pour les familles », assure le président-fondateur de l’association Léa pour Samy voir entretien ci-contre). Et M’Hammed Sajidi de développer : « Le fait pour un médecin traitant d’avoir été sensibilisé au préalable au problème, permettra, à travers des outils de communication spécifiques avec les parents, d’obtenir la bonne information de l’enfant, pour la donner au médecin, qui pourra administrer le bon traitement. Idem pour les dentistes. Il y a un tel travail au niveau de l’éducation de l’enfant avant qu’on puisse le toucher qu’il est encore fréquent que les parents soient contraints d’aller aux urgences, pour pouvoir soigner une carie par exemple, mais sous anesthésie générale ».
L’anticipation de possibles problèmes dentaires et oculaires à venir, la maman de Noam, huit ans et demi, en a bien conscience. Mais c’est un autre volet de la prise en charge des enfants atteints d’autisme qu’elle tient à développer : le cursus scolaire. « Que ce soit en matière de soins, mais surtout d’éducation, la difficulté majeure pour les parents réside dans le fait de trouver les bons interlocuteurs », analyse ainsi Stéphanie Tanguy. Depuis trois ans, elle les a trouvé, mais seulement après des heures et des heures de recherches sur Internet, essayant de faire le tri dans la noria d’associations et d’informations disponibles sur la toile, et tout en continuant, bien sûr, à travailler. Le dossier ALD de leur benjamin a été rempli par le pédiatre et les 750 euros mensuels d’allocation versés par la CAF couvrent à peu de choses près les frais pour l’assistante maternelle de Noam l’après-midi. « On ne se plaint pas, il y a pire », et surtout Noam continue à faire des progrès. C’est d’ailleurs le message que les familles que nous avons rencontré ont souhaité faire passer : « Cesser de faire rimer autisme et misérabilisme ». Et que leur expérience soit entendue par les professionnels de santé. Afin de rendre, qui sait, la vie plus facile aux prochaines familles qui viendraient vous consulter avec leur enfant.