Le Généraliste : les premiers éléments de l’enquête sur le drame de Pouzauges s’orientent vers la piste du surmenage du praticien. En tant que spécialiste du burn-out, cette hypothèse vous semble-t-elle plausible ?
Dr Éric Galam. Tout d’abord, on ne souhaiterait pas entendre parler de burn-out et de médecins qui se suicident, malheureusement, nous avons de plus en plus d’occasions d’être sollicité. La deuxième chose, quand on en parle, cela sensibilise à la réelle nécessité d’une prise en charge adaptée. Mais, il ne faut pas tout mettre à la sauce du burn-out et de l’épuisement professionnel. On peut aussi être malade mental en étant médecin. Quelqu’un qui tue toute sa famille et qui se suicide, avait peut-être aussi des facteurs de risque. Ou alors il a très bien exercé son métier pendant longtemps et à un moment, il a craqué. Mais encore une fois, le burn-out n’est pas l’explication de tout ce qui arrive aux médecins.
Mais peut-on dire que le métier de généraliste, - la nécessité de devoir répondre seul aux demandes de nombreux patients - cumulé avec le statut de libéral, constitue un facteur de risque ?
En effet, d’autant que le champ d’action du généraliste s’est étendu, comme les demandes qu’on a vis-à-vis de lui. Ce qui en fait à la fois une sorte de super-héros, mais à qui l’on pourrait demander des comptes dans le détail de tout ce qu’il fait. Ce sont deux éléments paradoxaux. Quant au côté libéral, on arrive parfois à une situation où l’on se demande comment on peut tenir. Il est important de souligner le côté difficile du libéral. Si le médecin ne faisait que soigner ce serait déjà très dur, mais là il soigne et, à la fois il gère une entreprise, c’est assez complexe.
Vous êtes médecin coordonnateur de l’association d’aide professionnelle aux médecins libéraux. Fort de votre expérience, quels sont vos conseils pour savoir quand, et comment s’arrêter ?
C’est très difficile. D’une part, il faut essayer de ne pas se mettre dans une situation d’épuisement professionnel. D’ailleurs, nos jeunes étudiants qui ne se précipitent pas pour s’installer l’ont bien compris. Et, s’ils s’installent, ils ne le font pas en médecine clinique et encore moins en médecine générale. Ou alors à plusieurs. Cela étant dit, quels sont les signes d’alerte ? Eh bien, par exemple, quand je vois que je suis épuisé, que je me lève le matin et que je n’ai pas envie d’aller travailler, que je rentre le soir éreinté, que je deviens irritable, que je me dispute avec tout le monde ou, encore, que j’ai l’impression que tout le monde m’en veut… On peut retrouver les signes d’alerte quand on reprend le Malash Burn out Inventory (MBI) et il est bien sûr possible de se passer le MBI à soi-même mais, en définitive, il s’agit davantage d’un sentiment : est-ce que je trouve toujours du sens à mon métier où est-ce que mon seul objectif est de ne pas couler ?
A ce moment qu’est-ce que le médecin peut faire ; à qui s’adresser ?
Il faut impérativement demander de l’aide. Plusieurs dispositifs se mettent en place de manière tout à fait pertinente, mais encore limitée. On n’est pas dans une situation où l’on peut dire : demandez de l’aide et on va vous apporter une réponse immédiate et adaptée. Le numero vert (*) que nous proposons par exemple est une aide ponctuelle qui peut permettre de passer un moment difficile, et probablement sauver des suicidants, leur éviter de passer à l’acte. La ligne est ouverte 24h/24, 7j/7, on peut reparler avec la même psychologue, qui donne un numéro d’anonymat, et les personnes peuvent ainsi poursuivre le processus et faire le pas en demandant une aide professionnelle en face-à-face psychologique ou médical. Mais ça ne réglera pas le problème professionnel du « j’ai trop ou pas assez de patients qui me demandent trop de choses ». Régler cet aspect-là « de comment exercer la médecine », ce n’est pas si simple. Car la personne a besoin de soutien, à la fois médical parce qu’on est malade ou potentiellement malade, mais aussi de structures pour l’ aider à organiser son activité professionnelle. Certaines se mettent en place, notamment l’association de promotion des soins aux soignants. Il y a différentes associations, notamment en Normandie ou à Toulouse qui ont mis au point des structures d’aides aux médecins en difficulté, où l’on peut voir un médecin du travail ou un psychologue. Il faut que la médiatisation se fasse pour que les personnes concernées connaissent le dispositif, qu’elles sachent où et à qui faire appel quand elles en ont besoin.
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