Cette fois, c’est parti. Mais il aura fallu du temps pour que la santé prenne sa place dans la primaire socialiste. Trois heures d’échanges et pratiquement pas un mot sur le système de santé lors du premier débat le 15 septembre.... Depuis, les six candidats qui se disputent l’investiture socialiste se sont bien rattrapés. La semaine dernière, on a vu François Hollande à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif en région parisienne, puis en fin de semaine, Martine Aubry au CHU de Grenoble. Enfin mardi, François Hollande était à Rennes pour un déplacement axé sur la santé.
La santé entrerait donc en force dans la campagne socialiste ? Voire… Pour l’instant « la politique de maltraitance » stigmatisée par François Hollande à propos des déremboursements et autres franchises des années Sarkozy lui ont surtout valu une volée de bois vert de Xavier Bertrand et Nora Berra. Les deux ministres dénoncent la surenchère entre éléphants du PS et visiblement aimeraient bien que les socialistes s’empoignent sur ces questions. Mais pour l’heure, ce n’est pas sur ce terrain-là que les candidats s’opposent le plus.
De tous les compétiteurs, Hollande est celui qui dispose du staff santé le plus étoffé, puisque la plupart des ténors santé du parti l’ont rallié. Marisol Touraine, la « Madame santé-social » du parti, anime ce pôle et confirme : « Je ne suis pas certaine que les primaires se feront autour d’une thématique où d’une autre. Et d’ailleurs, François Hollande n’est pas dans une logique de positionnement par rapport aux autres candidats. ».
Aubry veut réguler les installations
Sur la santé, il n’est pas si simple d’ailleurs de trouver des différences entre candidats, car les références doctrinales manquent. Le projet socialiste adopté en avril résume le volet sanitaire en deux formules lapidaires : « remettre l’hôpital au cœur du système » et « demander aux jeunes médecins libéraux d’exercer en début de carrière dans les zones qui manquent de praticiens. » Pour l’heure, il n’existe pas de projet santé officiel du PS, mais un «projet sur l’égalité réelle » écrit sous la houlette de Benoit Hamon et de l’aile gauche du parti. Pour sa part, Marisol Touraine insiste sur l’importance de valoriser la prévention, s’inquiète de l’importance des dépassements et plaide pour un développement des forfaits dans la rémunération des généralistes. Mais elle se démarque de la formulation un rien jusqu’au-boutiste du projet Hamon qui se proposait de réduire le paiement à l’acte à portion congrue. « Nous n’avons pas l’intention d’étatiser la médecine. Simplement, nous faisons le constat que les jeunes ne veulent plus des règles actuelles du jeu libéral.»
Tôt ou tard, la crise de la démographie médicale devrait aussi s’inviter dans la campagne. Avec peut-être sur le sujet des différences d’allure entre écuries. Du moins entre les principales. Se référant au camp Aubry, Marisol Touraine observe que, sur la liberté d’installation, « certains sont pour une démarche plus coercitive que les autres.» Et d’expliquer ainsi que François Hollande n’est pas en phase avec l’idée de flécher les jeunes en fonction de leur rang à l’internat et souhaite au contraire « éviter une approche coercitive immédiate…» «On ne peut pas obliger un jeune à s’installer dans tel ou tel endroit. Mieux vaut songer à des incitations avec des limitations dans les zones surdenses,» plaide dans le même sens, Claude Pigement, qui l’épaule sur les dossiers santé. « La liberté du lieu d’installation est importante », martèle Dominique Orliac, ophtalmo et députée de Cahors. Sur ce point comme sur d’autres, la porte parole santé de Jean-Michel Baylet s’affiche en défenseur de la médecine libérale.
A Grenoble, la semaine dernière, Martine Aubry a pour sa part confirmé qu’elle trouve normal que les jeunes aillent s’installer là où on en a le plus besoin. Le cap est clairement fixé, même si la candidate n’est pas entrée dans les détails. « L’idée c’est de négocier avec les jeunes médecins à la sortie de leurs études pour passer des contrats d’engagement. Cela va de pair avec la volonté de développer la création de maisons de santé pluridisciplinaires et de centres de santé, ce qui, d’ailleurs, correspond à l’aspiration des jeunes médecins. Il faut discuter avec eux, établir un engagement réciproque » décrypte le député de l’Allier, Jean Mallot, conseiller santé de l’ancienne ministre. Le reste des priorités de Martine Aubry –hôpital prévention, développement maisons de santé- ressemble assez à celles de François Hollande. « Il faut qu’il y ait la possibilité, dans certaines structures, d’avoir un mode de rémunération différent du paiement à l’acte, comme le salariat, ou un système forfaitaire » souligne Jean Mallot.
Hollande fait de l’équilibre des comptes son credo
Sur le financement de la Sécu, les candidats aux primaires demeurent discrets également. Marisol Touraine rappelle que le PS prône un élargissement du financement de la Sécu aux revenus du capital. Son candidat, François Hollande, s’est par ailleurs fait le champion du retour à l’équilibre des comptes. Mais la charte de gauche en la matière pourrait être le « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire. » Rédigé par Didier Tabuteau, avec le diabétologue André Grimaldi, l’ancien président de la Société française de santé publique François Bourdillon, le sociologue Frédéric Pierru et le neurologue Olivier-Lyon-Caen, ce texte dénonce une logique de privatisation rampante, qui risque d’aboutir à une Sécu concentrée uniquement sur les gros risques. Signé par 123 personnalités cet automne, il entend alerter sur « une entreprise de déconstruction des services publics de santé». Et il propose de revenir sur le« tout T2A » dans les hôpitaux, et sur le « paiement à l’acte exclusif » en ville. Inquiets des transferts de charges de la Sécu vers les assureurs, ces experts suggèrent au contraire « d’élargir le financement de notre Sécurité sociale, » quitte à envisager une augmentation des prélèvements.
Mais c’est peut-être à propos des questions de société que les uns et les autres feront entendre leur différence. Sur le cannabis, la polémique a déjà été allumée. Jean-Michel Baylet prône carrément sa légalisation, alors que Martine Aubry consent à sa dépénalisation, et que ni Manuel Valls, ni Arnaud Montebourg, ni Ségolène Royal, ni François Hollande ne veulent en entendre parler... Même audace du candidat radical sur la légalisation de l’euthanasie. Martine Aubry s’est déjà exprimée en faveur de la légalisation de l’euthanasie avec des « précautions » tandis que Ségolène Royal a dit ses « grandes réserves». Le thème de la fin de vie s’invitera tôt ou tard dans la campagne.
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