Les conjoints des médecins sont-ils aujourd’hui plus nombreux à travailler que leurs aînés ?
Tout d’abord, je relève, selon l’étude de la Drees, qu’il existe une césure relativement importante entre les médecins libéraux et les médecins salariés. Ainsi, les médecins libéraux ont en moyenne plus souvent des conjoints qui ne travaillent pas que les médecins salariés. Il est vrai que les salariés et les hospitaliers sont par définition dans des endroits plus urbains, même si ce sont des petites villes. Au vu de cette étude de 2005, 8 % des généralistes déclarent un conjoint statutairement aide familial, et dans l’enquête de votre hebdomadaire en 2004 « Généralistes qui êtes-vous ? » à laquelle j’avais participé, ils étaient 33 % à admettre être secondés par leur conjoint…
Reste que le modèle de l’épouse du médecin qui assiste son mari au cabinet a tout de même vécu…
Ce modèle était déjà en perte de vitesse, lorsque nous avions publié notre étude sur la profession médicale en 1990. Il s’agit donc d’une tendance lourde qui existe depuis vingt ou trente ans, et qui ne s’est pas révélée ces cinq dernières années. Tout comme d’ailleurs l’homogamie du monde médical, qui peut s’expliquer d’ailleurs tout simplement par la durée des études. Ce qui est nouveau en revanche, c’est l’existence de stratégies de couple. On le voit aussi d’ailleurs, lorsqu’on interroge les internes en médecine. Ils vous le disent aussi : « il y en a un qui aide l’autre pendant un temps, et après ça tourne ». On est dans des stratégies de négociation de couple qui n’ont absolument plus rien à voir avec ce qui existait par le passé. On voit bien que les femmes médecins actives, si elles ont un conjoint, ont des stratégies de travail qui ne sont pas les mêmes. Je ne pense pas que, pour elles, le fait de travailler moins soit lié au fait qu’elles peuvent s’appuyer sur les revenus du conjoint, mais parce qu’elles ont des enfants. La famille, les enfants, sont les données qui manquent dans l’étude de la Drees.
Vous avez-vous même réalisé des études sociologiques sur les généralistes, quelle évolution avez-vous constaté ?
Ce que j’ai pu constater au cours d’interviews sur des carrières et des trajectoires de médecins généralistes, c’est qu’ils sont bien plus mobiles qu’avant. Les médecins retraités que nous avions interrogés à la fin des années 80, avaient fait trente ans de carrière pour la majorité d’entre eux dans le même endroit. Les plus jeunes bougent. En particulier à des moments précis. Un certain nombre d’entre eux vous disent : « Moi, j’ai été généraliste de campagne pendant plusieurs années et au moment où il a fallu se rapprocher pour que mes enfants puissent faire leurs études, j’ai pris un emploi salarié ». D’ailleurs, les médecins salariés, non hospitaliers, qui travaillent et vivent plutôt en ville, sont peut-être d’anciens généralistes de campagne.
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